Prinzly, Myth Syzer, Zeg P.... et si les beatmakers étaient enfin reconnus à leur juste valeur ?

À défaut de faire les gros titres de la presse, Kosei, LUCASV, Tarik Azzouz, Zeg P et des tas d’autres producteurs de rap français affichent depuis quelques années une forme étincelante, cumulant (au minimum) les disques d’or et les collaborations aux côtés d’artistes préférant l’originalité à la redite.
  • Le monde du hip-hop est impitoyable. Ça paraît bizarre dit comme ça, mais force est de constater que certains producteurs, dans l’ombre, tentent tant bien que mal de cumuler SMIC et droits d’auteur en dépit d’un talent indéniable, pendant que d’autres, à l’inverse, ont transformé le paillasson de leur studio en tapis rouge afin d’accueillir les plus grands rappeurs du moment : il suffit d’écouter leurs récentes productions pour comprendre que LUCASV (Disiz, Luther), Zeg P (SCH, Vald, Heuss L’Enfoiré), Prinzly (Damso, Squidji) ou encore Kosei (La Fève, Khali) sont actuellement au-dessus de la mêlée.

    Cette inégale répartition des tâches, finalement, n’est pas nouvelle. Ce qui change, c’est le retour d’une certaine tendance, perceptible depuis quelques années : celle de ces albums réalisés par un producteur attitré. On tient pour preuve les dernières œuvres d’Hamza (Ponko), Disiz (LUCASV), Damso (Prinzly), Dinos (Twenty9 et Twinsmatic), Alkpote (Tarik Azzouz) ou Freeze Corleone (Flem), toutes pensées auprès d’un pool restreint de beatmakers au moment d’entrer en studio. Un peu comme à l’époque de Lunatic (Animalsons), 113 (DJ Mehdi), Fonky Family (DJ Pone) ou Ärsenik (Djimi Finger).

    À l’évidence, la donne a changé ces dernières années pour les producteurs, dont le rôle n’est clairement plus réduit à une simple mention dans le livret (quand il y en a un !). Leur importance ne cesse de s’accentuer, leur place est toujours plus centrale, si bien que l’on ne compte plus le nombre de ces architectes du son qui osent enregistrer un album en leur nom. Quitte à s'aventurer vers des propositions a priori éloignées de leur univers de prédilection, à l'image de Diabi (Nekfeu, 75e Session) qui enregistre un album lo-fi (« The Love Below ») ou de Mani Deïz qui compose une symphonie d'un seul morceau d'une trentaine de minutes (« The Symphony Of Dr. Olson »).

    « C’est une forme de mise à nu, confesse Prinzly, dont le premier album solo vient de paraître (« PASSAGER (((8))) »). Reste que si l’on crée de la musique, c’est aussi pour la partager et la défendre à notre façon. »

    Ces derniers mois, FREAKEY ! (« 3050 DEGREEZ : condamné à l’excellence »), Kyo Itachi (« Solide »), Abel 31 (« 200 »), Mani Deïz (« All Star Game ») et, bien évidemment, Myth Syzer (« Poison ») ont donc profité de leur solide réseau pour donner vie à des albums/compilations/mixtapes témoignant d’un vrai désir de direction artistique. Parce que l’époque est propice à ce genre de projets. Parce que les confinements successifs ont laissé le temps aux producteurs de réfléchir à leur propre création. Et parce que ces derniers ont désormais une réputation suffisamment établie pour se permettre de porter un disque sur leurs épaules. 

    Tout n’est évidemment pas parfait, aussi bien en termes de reconnaissance artistique que de rémunération, mais il y a des signes qui ne trompent pas : tandis que Zeg P, Flem ou Tarik Azzouz donnent des interviews chez Apple Music, des podcasts (BPM) ou des émissions (La Prod sur Mouv’) aident à mieux comprendre le travail opéré en souterrain par ces hitmakers. « La France étant un pays de lettres, on a toujours privilégié les auteurs-interprètes et laissé de côté les compositeurs », confiait en 2016 à Brain Magazine le collectif Street Fabulous. Sept ans plus tard, l’Hexagone a muté en une formidable terre de sons, incroyablement fertile, dont la richesse est résumée en quelques mots par Prinzly :

    « Certes, tout va très vite et de nouvelles tendances arrivent sans arrêt, mais on ressent quand même chez les artistes l’envie d’avoir leur propre identité avec des albums plus courts, plus resserrés. C’est une bonne chose, et ça vient redonner de l’importance au travail de production : donner une couleur et une cohérence à un projet. »

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