Aucun vaccin ne permet de résister à “Poison”, le nouvel album de Myth Syzer

Malgré deux albums blindés de tubes et de belles idées romantiques, Myth Syzer n'a pas pris la dimension attendue. La faute à une époque surchargée d’albums, à une dose de malchance et peut-être aussi à des projets où le Français à se cachait derrière le prestige de ses invités. Bonne nouvelle : le chef d'orchestre de Bon Gamin revient avec un « Poison » plus personnel et pensé pour faire réagir chaque partie du corps.
  • Il y a quelque chose de beau à voir Myth Syzer sortir un nouveau projet la semaine où le regretté J Dilla aurait dû fêter son 49ème anniversaire. On sait que le Français doit son nom de scène à un morceau du producteur de Detroit (Mythsyzer). On sait également qu'il a lui aussi eu l'envie de s'affirmer comme un artiste à part entière, publiant des albums en son nom, collaborant avec des artistes de tous horizons. Bien sûr, Syzer n’est pas aussi avant-gardiste que son aîné, peut-être même qu’il ne jouira jamais d’un même culte, mais le membre de Bon Gamin (Ichon, Loveni) a bien d’autres qualités à faire valoir.

    À commencer par cette capacité à chanter l’amour, sans chichis, selon un vocabulaire qui trahit d’emblée une frontalité, une recherche de la simplicité. C’est parfois niais, d’autres fois volontairement mièvre, mais c’est presque systématiquement efficace, d’une fluidité accrocheuse : même si quelques facilités d’écriture viennent parfois amoindrir l’impact de ses projets, Syzer a cette faculté à résumer un sentiment universel en une phrase, un gimmick, une intonation (« J’me sens si seul alors tout le monde parle autour de moi »).

    Il y a cinq ans, « Bisous » s'entendait ainsi comme une déclaration d'intention : Myth Syzer vient du rap, certes, mais il aime également la pop, le romantisme et les années 1980 « Poison » prolonge cette obsession, sans se répéter. Car, là où son premier album faisait du Français une sorte de chef-d'orchestre entouré de ses amis (Hamza, Roméo Elvis, Lolo Zouaï, Bonnie Banane, Oklou...), un lover encore trop timide pour assumer de draguer l'auditeur seul, « Poison » dévoile un producteur-chanteur davantage convaincu de sa singularité : impossible ici de résumer le disque à l’unique prestige de ses invités (Ichon et Loveni, donc, mais aussi, Muddy Monk, Feu! Chatterton et Kaytranada).

    C’est que « Poison » a été pensé à la campagne, en retrait de Paris, son agitation, sa vie nocturne, son brouhaha artistique. Plus classique, tu meurs ? Pas forcément. Les quinze morceaux réunis ici ne versent jamais dans la psychanalyse, l’introspection poussive ou le ras-le-bol (sauf sur Smoke : « J’aime pas le rap game/Moi j’préfère la pop ») : ils forment simplement une petite collection de hits drapés d'une même production synthétique, parfois proches du format chanson (Chamaille, On se reverra), d'autres fois teintés de tonalités pop/rock, à travers lesquels Syzer offre une sorte de synthèse de ses précédents projets (« Bisous » et « Bisous Mortels »). Sans nostalgie, mais avec pas mal de promesses pour la suite.

    En interview, Thomas Le Souder (au civil) a souvent rappelé son amour de la mécanique, ce fantasme de la ride, toutes ces journées passées à bricoler des motos. On comprend alors ses débuts dans la production, son envie de triturer les machines. On se dit toutefois que « Poison » est moins l’album d’un cœur à réparer (ce que pourraient laisser penser Vœux ou Distance) qu’une œuvre pensée par un homme amateur des mécaniques bien huilées. Un artiste qui, après quelques années à stagner, ou du moins à être triste en écoutant « Sade toute la journée », s’est mis en quête du Nirvana.

    Ce ne pourrait être là qu’un énorme clin d’œil à l’une de ses idoles (Doc Gynéco) : c’est surtout un morceau qui résume toute l’ambition de Myth Syzer, cet ancien homme de l'ombre qui, depuis « Bisous », n'a d'autre envie que d'être « classé dans la variét' ».

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