2017 M11 24
Sur le single de ton nouvel album, Sexus Plexus Nexus, tu chantes en quatre langues… Que souhaites-tu exprimer à travers ce procédé ?
Je peux facilement dire la même chose dans différentes langues, mais les émotions ressenties ne seront pas forcément les mêmes. Ça se complète. C’est le délire du morceau. Quand je l’ai écrit, j’ai commencé en français, puis en lingala, en anglais… C’est une chanson très sensuelle, voire sexuelle, mais je voulais qu’elle parle à tout le monde. J’ai grandi en écoutant de la rumba congolaise, puis, j’ai découvert de nouveaux genres, de nouveaux artistes : Michael Jackson, du disco sud-africain de la fin des années 1980, Yvonne Chaka Chaka… Il faut réussir à ressortir tout ce bagage accumulé durant les nombreuses étapes de ma vie, et manier plusieurs langues est moyen de le faire.
Dans ce nouvel album, on sent un groove différent de celui que l’on peut entendre sur ton premier, un délire peut-être moins électronique…
Je ne voulais pas faire la même chose, je voulais que ce soit plus organique, creuser plus loin, explorer ce pont entre musiques africaines et d’ailleurs. Sexus Plexus Nexus va dans ce sens. La guitare rappelle la rumba congolaise, mais on entend le côté funk, assez disco, avec un saxophone qui amène beaucoup de sensualité.
Justement, cette rumba congolaise, quelle place a-t-elle dans ta vie et dans ta musique ?
On dit souvent qu’elle tire ses origines de Cuba, des liens qui existaient entre l’île et plusieurs pays africains, comme la Guinée et le Congo, qui datent de la traite des esclaves. Mais les musiques avec lesquelles j’ai grandi là-bas n’ont rien à voir avec Cuba, finalement. J’écoutais Franco Luambo, Tabu Ley, Papa Wemba, Koffi Olomidé… Étant né en 1985, ce sont eux qui m’ont bercé. Je suis un peu comme Obélix, je suis tombé dedans quand j’étais petit.
« KeBlack ou MHD amènent le rap ailleurs, je trouve ça magnifique. »
Ce style se marie généralement très bien aux sonorités électroniques…
Oui, on le voit aujourd’hui avec des artistes, notamment français, comme KeBlack ou même MHD, tous ces jeunes qui font le nouveau rap, qui vont puiser dans la rumba ou le ndombolo. Ils amènent le rap ailleurs, je trouve ça magnifique. On peut très facilement marier plusieurs genres ensemble et en créer un nouveau, ou donner un renouveau à un style. L’évolution de la rumba congolaise est incroyable. Après les grands noms des années 1970 et 1980, après les nouveaux chanteurs des années 1990 comme Papa Wemba, il y a eu le coupé-décalé, qui vient de là. Aujourd’hui, on écoute de la house sud-africaine, mais aussi le rap français que j’évoquais… On a besoin de ça. Si les jeunes commencent à s’intéresser à l’histoire du genre, à ce qu’écoutaient leurs parents, voire leurs grand-parents, tant mieux. Ça fait partie de la culture africaine et mondiale. Que des gamins de quinze ans découvrent Tabu Ley grâce au rap, c’est formidable.
Il y a aussi de fortes influences rap et hip-hop dans ta musique. Cette musique t’est chère ?
Évidemment, c’est comme pour la rumba. Au Québec, j’ai écouté beaucoup de rap français : Passi, Secteur Ä, MC Solaar, Doc Gynéco… Puis aux États-Unis, j’ai découvert 2Pac et Biggie, tout le monde écoutait ça là-bas. Ça sera toujours présent dans ma musique. Mais je ne me prétends pas rappeur, je m’amuse à faire du pseudo-rap, comme dans Rendez-vous, avec ce semi-chant, semi-rap, une sorte de rumba-trap. Le hip-hop, c’est un mode de vie, et j’ai grandi dans ce mode de vie.