L’histoire bizarre du keytar, ce synthé qu'on tient comme une guitare

Lancé dans les années 60, au top de la hype pendant les eighties et toujours utilisé de nos jours... On vous raconte aujourd’hui l’histoire de cet étonnant croisement : le keytar.
  • Pour commencer, un peu d’étymologie : « keytar » est la contraction en anglais, des mots « piano » (keyboard) et « guitare » (guitar). Cet instrument de musique électronique fonctionne comme un clavier ordinaire, à la différence que ce dernier est portable et qu’avec, on peut donc se déplacer — « Il jouait du piano debout/C’est peut-être un détail pour vous... ». Si l’on remonte à l’origine de cet instrument, on arrive à Vienne, en 1795. À cette époque, il existait un petit piano portatif appelé « l’orphica ». Il était joué de la même façon que le keytar. En continuant ce voyage dans le temps, un des autres précurseurs pourrait être l’accordéon-piano, qui est apparu en 1852. 

    Mais le tout premier modèle du genre — c’est-à-dire comme on le connaîtra plus tard — a vu le jour en 1963 grâce au travail de la société est-allemande Weltmeister, lorsqu’elle a inventé le « Basset », un piano basse électrique. À peine 3 ans après, en 1966, le fabricant suédois Joh Mustad AB a présenté le Tubon, cet orgue électrique en forme de tube. C’est là que certains grands noms de la musique entrent en piste. Parmi les utilisateurs de cet instrument original, on peut citer Ralf Hütter de Kraftwerk ou encore Paul McCartney des Beatles, deux légendes à l’avoir essayé respectivement dans les années 1960 et au début de 1970. 

    Même si certains modèles ont existé avant 1980, le tout premier à avoir été produit en série est le Moog Music Liberation de chez Moog. 1980, c’est aussi l’année où le mot « keytar » apparaît officiellement. À l’origine, ce serait Keytarjeff, un Américain considéré (ou auto-nommé ?) comme « maître » de la discipline, qui l’aurait prononcé pour la toute première fois dans une interview accordée au magazine Illianabeat — devenu depuis Midwest Beat with Tom Lounges. Dans la foulée, d’autres fabricants comme Roland, Yamaha, Korg ou encore Casio se sont lancés dans sa production.

    Toujours dans cette décennie, l’aura de cet instrument a explosé en même temps que l’arrivée du glam metal, de la synthpop, de la new wave et d’une certaine frange du jazz ou de la musique électronique. Directement, on pense au groupe Europe, à notre Jean-Michel Jarre national, ou à Herbie Hancock. Tout ça, avant de peu à peu disparaître pendant les années 90 et 2000, malgré quelques soubresauts, notamment dans des standards de la French touch, par exemple sur Music Sounds Better With You de Stardust. 

    Puis peu avant 2010, cet instrument devenu un poil ringard avec le temps a refait surface. En véritable fer de lance de ce revival, on retrouve will.i.am de The Black Eyed Peas, qui a fait toute la tournée The E.N.D. (2009) avec le Roland AX-Synth. À peu près au même moment, on a revu ce synthé portable dans le clip Sensual Seduction (2008) de Snoop Dogg, un morceau volontairement rétro – pour le coup très loin d’être has-been –, qui rend hommage aux utilisateurs des keytars de l’époque.

    Si aujourd’hui ces claviers que l’on trimballe comme des guitares n’ont pas regagné leurs lettres de noblesse, certains groupes les ressortent pourtant du placard. C’est ce que l’on a pu observer notamment avec Los Bitchos. Parmi ces quatre artistes venues d’horizons divers, l’Uruguayenne Agustina Ruiz est fière de se présenter comme une « keytariste ». Une nouvelle preuve que la musique est un éternel recommencement ?

    Crédit photo : clip Snoop Dogg - Sensual Seduction