King Krule est tout sauf le cinquième roux du carrosse

  • Avec son deuxième album, King Krule franchit encore un stade dans la conquête des cœurs, brisés ou non. Portrait de ce jeune Anglais, probablement le plus excitant, puissant et déraisonnable de cette décennie.

    Douze minutes. C’est tout ce qu’il aura fallu à King Krule en 2011 pour affoler le web et devenir illico le symbole d’une génération confuse. Douze minutes d’un EP éponyme de cinq morceaux où ce jeune Anglais, 17 ans à l’époque, donne l’impression d’avoir tout enregistré sur une idée qui fuse. Sans chercher à prouver quoi que ce soit, juste comme ça, histoire de mélanger divers genres musicaux découverts dans la discothèque des parents ou sous les conseils du grand frère.

    En roue libre. Depuis, King Krule, sa tignasse rousse et son accent cockney n’ont cessé de grandir. Il y a ce premier concert au CMJ Festival de New York avec Odd Future et Zola Jesus, ces collaborations (avec les potos de Mount Kimbie, notamment), mais il y a surtout eu tout un tas de pseudos (Zoo Kid, Sub Luna City, Edgar the Beatmaker, DJ JD Sports) utilisés à chaque fois pour mettre à bonne distance sa véritable identité : celle d’Archy Marshall, un gars de Londres qui a échappé de peu à des traitements psychiatriques, qui a été renvoyé de plusieurs établissements scolaires, mais qui a aussi composé sa première chanson à 8 ans et inventé, six ans plus tard, le terme « blue wave » afin de s’inscrire dans la démarche de groupes tels que Joy Division ou Orange Juice.

    Enterrer le vieux monde. La force de King Krule, c’est pourtant de n’être jamais tombé dans le mimétisme. Lui croit à ce qu’il chante, il y met toute son âme. Et ça s’entend dans cette façon de dégueuler des mots d’une voix aussi déraillée qu’assurée, dans cette façon de poser des textes sur des mélodies à écouter le temps d’un coucher de soleil sur un paysage industriel. Parce qu’elles mélangent tout un tas de styles libres et sales (hip-hop, garage, jazz, blues). Parce que « The Ooz », suite très attendue d’un premier album impeccable (« Six Feet Beneath The Moon »), évoque ces vielles fripouilles qui chantent systématiquement les bas-fonds, les outsiders et l’amertume d’une génération désorientée. Parce que son dernier single, Dum Surfer, interprété d’une voix pleine de dégoût et menacée par la lourdeur du monde, transpire le génie de son auteur. Celui d’un homme qui ne sent pas la pression arriver, qui ne s’économise pas et qui a perdu depuis bien longtemps l’habitude de la normalité.

    « The Ooz » est sorti le 13 octobre chez True Panther Sounds/XL Recordings.

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