2017 M10 11
Surprise surprise. « In Rainbows », c’est d’abord la fin d’une époque. Celle de Radiohead chez sa maison de disques, EMI, après plus de dix ans de collaboration et six albums ô combien fondateurs du paysage pop moderne. Mais c’est aussi l’histoire d’un renouveau. Celui d’un groupe que tout le monde croyait bon pour la retraite et qui, en un album, prouve qu’il en a encore sous le pied, artistiquement et commercialement.
« Une atmosphère très étrange »
Simple et efficace. Artistiquement, cela s’entend à chacun des dix morceaux présents sur « In Rainbows ». On est alors quatre ans après les folies expérimentales d’« Hail To The Thief », et les Anglais ont visiblement fait le choix de revenir à plus de clarté, vers un son plus efficace, un peu à la manière de ce qu’ils proposaient en 1995 sur « The Bends ». Pour cela, Radiohead s’enferme cinq à six heures par jour en studio et, surtout, emménage dans un vieux manoir abandonné dans la région du Wiltshire. « Une atmosphère très étrange […], ça ressemblait à un centre de désintoxication, rembobinait Thom Yorke dans une interview à la radio en 2008. Abandonné était un euphémisme ; des trous dans le sol, le toit fuyait, les fenêtres n’avaient plus de volets. […] Je ne saurais dire si c’était hanté, mais c’était vraiment très étrange. Le genre d’endroit où tu ne préfères pas traîner. »
Jeu de pistes. Commercialement, c’est carrément la grande refonte. Libéré de ses engagements avec EMI, Radiohead profite de cette autonomie pour annoncer la sortie d’« In Rainbows », seulement quelques jours avant à sa sortie, pour le mettre en téléchargement gratuit (ou du moins, à prix libre) pour questionner le modèle de distribution de la pop music. En clair, « In Rainbows » est vendu uniquement sur le site du groupe en octobre 2007, à un prix fixé par l’internaute et se retrouve téléchargé 1,2 million de fois en à peine en quelques semaines – une réussite pour Thom Yorke et sa bande, qui génèrent ici davantage de revenus pour le groupe avant de publier une sortie physique on ne peut plus banale, deux mois plus tard.
Radio(head) pirate. Bien avant que Beyoncé ou Frank Ocean ne balancent leurs albums sur le web à la surprise générale, Radiohead montrait ainsi la voie à suivre et réussissait un pari : celui de réinventer le business de l’industrie musicale sans jamais sacrifier sa musique, sans que tout ce tapage médiatique autour de la sortie de l’album ne vienne masquer la puissance de morceaux tels que Weird Fishes/Arpeggi ou All I Need. Sur ces deux titres, Thom Yorke parle d’amour, et « In Rainbows » est exactement ça : une déclaration d’amour à la pop, à la liberté et à la musique, débarrassée de tout lien avec une industrie lourde et craintive.