2016 M11 16
Et si le plus respectable dans la carrière d’Eminem, ce n’était pas sa collaboration avec Dr. Dre ou ses disques multiplatinés, mais la manière dont il a réussi à tuer la pop de la fin des années 1990 ? Étonnante, la question mérite pourtant d’être posée quand on connaît l’état de la pop music au moment de la sortie de « The Real Slim Shady », en 2000. Trois ans plus tôt, les Spice Girls ont entrainé une renaissance de la pure pop, Britney Spears, le 3 novembre 1999, a publié « …Baby One More Time » et en a écoulé illico 500 000 exemplaires, tandis que la britpop suffoque peu à peu et que les boys bands n’en finissent plus de trainer leurs torses musclés sur des plateaux télés submergés par des hordes de midinettes en pleine explosion d’hormones…
Le tableau est loin d’être excitant mais, en un couplet (« J’en ai marre de vos petits groupes de filles ou de mecs / Tout ce que vous faites m’agace / Alors, j’ai été envoyé pour vous détruire / Il y en a des millions comme moi / Qui n’en ont rien à foutre comme moi »), Eminem envoie valser les codes de ces artistes marketés et impose ses propres règles. Désormais, il est à nouveau possible d’écrire ses propres morceaux, d’y être grossier ou cinglant sans que cela soit synonyme de censure ou d’échec commercial. « Nous ne voulions pas revenir aux extrêmes dont nous étions sortis en 1996. Et Eminem était un indicateur de ce retour. Ses paroles dures, intenses, diffusées en plein milieu d’après-midi étaient problématiques. » Ça, c’est le directeur des programmes de la radio américaine Z-100 qui le dit dans Hits!, l’excellente enquête de John Seabrook sur la fabrique des tubes planétaires. Ça en dit long sur la ligne éditoriale des radios, mais ça n’empêchera pas Emimen, 50 Cent ou encore The Neptunes de tout dominer dans les années 2000. Et d’imposer, en quelque sorte, une nouvelle forme de pop music. Merci qui ?