20 ans après, “The Eminem Show” ressort en version augmentée

Soit dix-huit morceaux supplémentaires, une nouvelle pochette et un nouveau point de vue sur un album culte, dont la singularité (dans le ton, les prods, le propos, le flow) se révèle toujours aussi pertinente en 2022.
  • C’est devenu une habitude : trois ans après avoir publié une « expanded version » de « The Slim Shady LP » à l’occasion de son vingtième anniversaire, Eminem répète la même formule avec « The Eminem Show », son quatrième long-format, sorti le 21 mai 2002. Ce qu’on y trouve ? Dix-huit morceaux supplémentaires, en équilibre stable entre des instrumentaux, des inédits (Jimmy Brian and Mike) et des titres jamais publiés officiellement (Stimulate, Bump Heads), mais aussi une nouvelle pochette : exit la cover rouge, place à des rideaux noirs, comme pour accentuer les propos plombant de certaines chansons.

    Le fait que White America soit placé en deuxième position, juste après une brève introduction de trente secondes, n’a rien d’anodin : tout ici a été pensé pour permettre au blondinet du hip-hop US de raconter la part d’ombre du rêve américain, sa face B, le quotidien de ces populations plongées dans un pays au bord de la ruine - c'est également tout le propos du clip de ce single, où des avions militaires survolent Washington, tandis qu'un président, symbolisé par un cochon tiré par des ficelles, tient un discours devant la Maison-Blanche. 

    « Je parle aux jeunes de banlieue qui sans moi ne se seraient jamais doutés de l’existence de ces mots », clame-t-il. « The Eminem Show », c'est exactement ça : derrière les hymnes amusants et sautillants (Without Me), les provocations virulentes et les tubes générationnelles à la Sing For The Moment ou Cleaning Out My Closet, il s'agit surtout ici du disque d'un haut-parleur, d'une star de la pop culture américaine bien décidée à représenter tous les délaissés, les marginaux, les losers, ceux prêts à « cracher de l’alcool à la gueule de cette démocratie hypocrite. »

    Si l'on est en droit de lui préférer « The Marshall Mathers LP », peut-être plus jusqu’au-boutiste, « The Eminem Show » devient rapidement ce qu'on peut nommer un classique : plus de 33 millions d'exemplaires vendus, album le plus vendu aux États-Unis en 2002, un Grammy Award, tout concorde pour faire de ce quatrième long-format une œuvre culte. Sans le chercher, ni même y songer, Eminem devient alors le rappeur préféré des amateurs de hip-hop comme de ceux qui n'aiment pas le rap.

    En 20 morceaux, bercés d'humour corrosif, de démonstrations techniques, de certitudes artistiques (la plupart des morceaux sont produits par Eminem en personne) et d'emprunts au rock (son sample de Dream On d'Aerosmith, ce Hailie's Song inspiré par le While My Guitar Gently Weeps des Beatles), « The Eminem Show » constitue peut-être le dernier grand disque de son auteur. Un album conçu pour durer - est-ce un hasard s'il est l'album des années 2000 le plus écouté sur Spotify ? – et qui, à l’image de l’enthousiasme autour de cette version étendue, provoque toujours autant de plaisirs à la réécoute.

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