Le rock est-il mort ?

  • La disparition de Johnny ou Fats Domino, les difficultés des magazines spécialisés (MagicRPM), la momification des rockstars : elles sont nombreuses, les raisons permettant d’affirmer la mort du rock. Mais, comme souvent, la réalité est bien plus nuancée.

    Le poids des années. En 2006, Nas affirmait que le hip-hop était mort sur son huitième album. Douze ans plus tard, le rap truste tous les records, fait émerger chaque semaine de nouveaux prodiges et vient de dépasser pour la première fois de l’histoire le rock en terme de popularité. Au point qu’il semble légitime de se poser la question : le rock est-il mort ? Son esprit de révolte, voire son rôle de porte-étendard de la colère mondiale, sans doute un peu : le rock se visite désormais dans les musées, ses grandes figures ne font plus forcément l’unanimité dans les cours de récrés et même les derniers albums de The XX, LCD Soundsystem ou Arcade Fire n’ont pas réussi à tenir la comparaison avec Kendrick Lamar ou Migos dans les charts.

    Une nouvelle vague. Alors, oui, certes, le rock n’est sans doute pas le genre musical le plus innovant aujourd’hui, ni le plus vendeur (quoique les chiffres de ventes en vinyle pourraient affirmer le contraire…), mais il semble toujours aussi vivace. De New York à Londres, où une nouvelle scène a éclos ces dernières années (Fat White Family, HLMTD ou Shame), en passant par les Pays-Bas ou la Turquie, une nouvelle génération a émergé, riche de nouvelles idées et consciente de devoir se ressourcer méthodiquement à la source originelle afin d’aiguiser ses riffs. À l’image d’Altin Gün, révélation des dernières Transmusicales dont le premier album éponyme arrive le 30 mars prochain et se révèle une superbe séance de bouche à bouche à un genre supposé agonisant.

    Dark Side Of The Rock. Avec cela, il convient également d’évoquer l’impact toujours intact des figures indéboulonnables du genre. Il suffit en effet de se rendre compte de l’attente autour des nouveaux albums d’Arctic Monkeys ou MGMT pour comprendre que, si le rock n’est plus un phénomène sociétal et semble bien dépassé au sein du mainstream, il n’en reste pas moins un genre fécond, porté par quelques réussites artistiques : les différents albums de Ty Segall, le renouveau de la scène garage bordelaise, les velléités défricheuses et indépendantistes de certains labels (Born Bad, Howlin Banana, Burger Records) et le punk rock anglais actuel.

    À la niche. Tous ces artistes et structures font bien évidemment partie d’une niche, très loin des ventes et des streams démentiels de Jay-Z, Kanye West ou Booba, mais ils témoignent néanmoins d’un foisonnement évident. Quitte à annoncer un retour aux racines du rock, vous savez, cette époque où la musique du diable n’était encore qu’un genre marginal, où Kraftwerk ne donnait pas de concert à la Fondation Louis Vuitton, où les punks criaient « no future » avec sincérité et pas simplement pour s’acheter une caution transgressive.

    Avec des artistes comme Anna Von Hausswolf, Suuns ou Ought, c’est exactement à cet état d’esprit que l’on touche, et, sincèrement, on ne voit pas qui pourrait produire des disques plus avant-coureurs, exigeants et rock qu’eux actuellement.

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