2023 M12 18
Si les Beatles étaient "plus populaires que Jésus", comme le veut la célèbre déclaration de John Lennon, que dire de la mort de ce dernier ? On peut avoir le sentiment de tout connaître sur le sujet, tant les événements tragiques du 8 décembre 1980 ont été abondamment détaillés au fil des décennies.
Mais voilà qu’une nouvelle série documentaire invite à reconsidérer la question. Narrés par la voix angoissante et reconnaissable entre mille de Kiefer Sutherland – le Jack Bauer de 24 Heures chrono (Disney+) –, les trois épisodes de John Lennon, un homicide sans procès apportent de nouveaux éclairages sur les faits grâce à des archives de grande qualité et des témoins rares.
À l’exception de Yoko Ono et Mark David Chapman lui-même, il ne manque quasiment personne : du chauffeur de taxi présent par hasard devant le Dakota Building au moment du meurtre au portier en passant par le personnel de l’hôpital où John Lennon a été soigné et tous les protagonistes du procès, la série n’oublie personne.
Evidemment, le premier épisode revient sur la dernière journée de la victime, où John Lennon avait accepté d’être interviewé par une journaliste qui fait écouter ses bandes, et ses propos évoquant sa mort prennent rétrospectivement un autre sens.
Grâce au témoignage du producteur Jack Douglas, le documentaire rappelle aussi que le jour du meurtre, Lennon était de retour en studio pour donner suite à l’album "Double Fantasy" (1980). Loin des Beatles et des polémiques des décennies précédentes, c’était également un père heureux, occupé à pouponner le jeune Sean Lennon.
John Lennon’s final interview before his death. pic.twitter.com/KnVAvRTGvJ
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La suite est racontée par le personnel du Dakota Building et les premiers policiers intervenus sur place, qui décrivent cette scène hallucinante d’un Mark David Chapman attendant d’être arrêté en lisant L'Attrape-cœurs de J. D. Salinger, ce fameux roman dont il dira avoir voulu faire la promo avec son geste, et dont il idolâtrait le héros, Holden Caulfield, cet adolescent en qui il pensait se transformer après avoir tué Lennon.
Le premier épisode rend bien compte aussi de l’onde de choc ressentie dans le monde entier à l’annonce de sa mort, et les archives des médias de l’époque sont parfois assez délirantes, comme ces commentateurs d’un match de foot américain qui se demandent en direct s’il faut partager l’info alors que le jeu est en cours. Un extrait encore plus étrange montre aussi un Paul McCartney étrangement indifférent à la nouvelle – ce que l’on mettra sur le compte du choc émotionnel.
Mais il ne s’agit pas d’une série sur John Lennon, ce qui signifie que deux épisodes sont nécessairement consacrés à la personnalité troublante de Mark David Chapman, ce meurtrier souffrant manifestement de troubles mentaux, mais pas suffisamment pour être déclaré irresponsable pénalement – le documentaire rappelle qu’à l’époque déjà, le grand public refuse ce principe pourtant élémentaire de la justice.
Chapman a-t-il bénéficié d’un traitement de défaveur en raison de l’identité de sa victime ? Certains témoins le pensent. Aujourd’hui encore, son avocat plaide dans le documentaire pour l’acte d’un fou, quand le procureur ne veut voir qu’un raté qui a prémédité son geste et voulait à tout prix devenir quelqu’un.
Une chose est sûre : les extraits des conversations de Chapman avec son avocat ne mettent pas en évidence un individu très sain d’esprit. Tout s’y brouille d’ailleurs : la volonté affichée de punir une star qu’il qualifie d’hypocrite, une passion dévorante pour Salinger, des symptômes dépressifs et suicidaires anciens – racontés par son ancienne copine – et une connexion directe avec Dieu, qui parlerait à Chapman et lui aurait demandé de plaider coupable.
43 ans après l'assassinat de l'ex Beatles, cette nouvelle série documentaire donne la parole aux témoins de cette soirée du 8 décembre 1980 et tente d’éclaircir le mystère David Chapman.
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John Lennon, un homicide sans procès, en ce moment sur Apple TV+, disponible avec CANAL+ pic.twitter.com/EyD9K1BMjR
Eh oui, à cause de ce revirement inattendu, le procès du meurtrier de John Lennon n’a jamais eu lieu et les faits n’ont jamais été examinés publiquement en compagnie de l’accusé, ce qui n’a fait que renforcer toutes les théories complotistes sur le sujet. Le documentaire explore bien sûr celle selon laquelle John Lennon aurait été éliminé par le gouvernement américain en raison de ses positions pacifistes, ce qui impliquerait d’avoir mis Chapman sous hypnose pour qu’il exécute le meurtre…
Problème : en 1980, le militant Lennon s’était retiré de la vie publique et ne représentait plus une « menace » aux yeux des Etats-Unis. On ne peut pas en dire autant de son meurtrier : considéré comme l’un des individus les plus détestés du monde, toutes ses demandes de remise en liberté ont été refusées et il purge une peine de perpétuité à l’isolement pour sa propre sécurité. Sa place était-il plutôt dans un hôpital psychiatrique que dans une prison ? Le documentaire vous laisse en juger.
For the first time, eyewitnesses share firsthand accounts of the night John Lennon died. pic.twitter.com/S07MJhsDqG
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John Lennon, un homicide sans procès, un documentaire Apple TV+ disponible avec CANAL+.