De Brooklyn à Tel Aviv, le nomade's land de Winter Family

  • Pour son troisième album "South From Here", le duo franco-israélien a enregistré entre l'Amérique et Israël. Des buildings aux bombes, ils nous racontent leurs expériences mouvementées.

    Témoin (malgré lui) d’une société secouée, le groupe Winter Family, c’est d’abord l’histoire d’une rencontre entre Ruth Rosenthal et Xavier Klaine à Jaffa, en 2004. Leur précédent album « Red Sugar »sorti en 2011, avait déjà brouillé les cartes avec des field recordings (technique consistant à enregistrer des sons du quotidien) captés à Jérusalem ou en Lorraine. Changement de cap pour le nouveau disque enregistré sans se presser, avec des souvenirs évaporés de block parties de leurs voisins à Brooklyn, de caves parisiennes, d’étapes japonaises et surtout des textes écrits à Tel Aviv par la main ferme de Ruth Rosenthal, qui répond à nos question depuis Jérusalem.

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    En quoi l’environnement géographique est-il important dans l’écriture de votre musique ?

    Nous sommes nés dans des endroits différents et je suppose que nous n’avons pas encore trouvé l’endroit où nous voudrions nous arrêter. Nous avons le privilège de travailler en tant que couple et famille, alors nous emmenons le travail avec nous. Bien entendu, chaque environnement nous affecte, culturellement, socialement et dans la création. Parfois, ce qui nous entoure est si radical qu’on ne peut l’ignorer. Ce fut le cas quand nous sommes arrivés à Tel Aviv à l’été 2014, lorsqu’on entendait les sirènes et les roquettes du Hamas tandis que les forces israéliennes tuaient 2000 personnes à Gaza.

    « Quand un art tente de se limiter à une seule pensée politique, il perd sa force. »

    Pensez-vous que la musique a le devoir d’être politique ?

    Avant tout, comme pour chaque forme d’art, elle ne doit rien. Quand un art tente de se limiter à une seule pensée politique, il perd sa force. Je n’ai pas le sentiment que nous soyons des musiciens politiques, je pense que nous traitons de questions politiques comme d’un sujet d’intérêt et d’inspiration. Nous savons que nous n’allons rien changer ; du coup, nous n’essayons pas. Les artistes sont de plus en plus attaqués par le régime israélien mais il existe aussi toujours beaucoup d’arts qui le critiquent. Ceci dit, j’imagine que Winter Family n’est pas assez mainstream pour être une menace sérieuse pour Israël.

    Choisissez-vous les instruments que vous utilisez en fonction des cultures dans lesquelles vous êtes immergées au moment de l’écriture ?

    Non, nos instruments n’y sont pas directement connectés. Nous arrivons partout avec notre vieil orgue et le reste. Mais les sons que nous cherchons et trouvons changent sans que nous y pensions à cause de l’environnement et de ses différentes énergies. Sur cet album toutefois, nos instruments ont été inondés pendant l’ouragan Sandy à New York alors nous en avons acheté de nouveaux qui ont modifié notre son.

    « On peut aussi simplement enregistrer notre fille jouant à l’ordinateur. »

    À quel moment un son devient-il musique pour vous ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire du field recording ?

    Chaque son est pour nous une musique. Certains racontent une histoire ou nous parlent avec assez de clarté pour qu’on veuille suivre son histoire, l’écouter et voir ce qui en ressort. Quand nous vivions à Flatbush, quartier de Brooklyn, l’environnement sonore était fou, un vrai paradis pour le sound recording. Nous avons enregistré nos voisins nuit et jour mais en avons utilisé peu. Parfois on peut aussi simplement enregistrer notre fille jouant à l’ordinateur.

    Qu’est-ce qui vous inspire particulièrement en ce moment ?

    Nous travaillons sur notre troisième pièce de théâtre documentaire sur la ville d’Hebron, qui est faite d’horreur et d’absurdité. Nous rencontrons tous ces gens qui « partagent » cette ville (Palestiniens, colons, activistes internationaux, soldats). Mais il y a aussi beaucoup d’autres choses intéressantes en ce moment en Palestine. Il semble qu’il y ait une jeune génération imaginative et puissante. Nous venons de travailler avec Eihab Taha, un réalisateur de 18 ans de Ramallah qui fait du parkour. Il a fait le clip de notre chanson, Gaza.

    Sortie de l’album « South From Here » (Ici d’ailleurs) le 3 février.

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