Dawala, l’éducateur sportif qui a mis le rap français à genoux

  • On a retrouvé la trace de l'homme derrière les succès de Maître Gims et Black M. Son nom : Dawala, le boss très discret de Wati-B.

    Le succès de Maître Gims, les tubes de Black M, le changement de statut de Dry… Derrière ces réussites commerciales, un seul label (Wati-B) et un même nom : Dawala, un Franco-Malien de quarante-deux ans parti d’en bas pour imposer sa taille patron dans le game, avec vingt-cinq millions de Français à ses pieds.

    Historiquement, le rap français se divise en deux catégories : ceux qui s’imposent taille patron dans le game et ceux qui le contournent. Dadia Diakité, dit Dawala, fait clairement partie de la première catégorie. Ça fait même un petit bout de temps qu’il écrase la concurrence avec des chiffres à faire jalouser les chanteurs de variétoche. Depuis 2010, Wati B c’est ainsi trois millions d’exemplaires de « L’Apogée » de Sexion d’Assaut, 500 000 copies du dernier Black M, un peu plus d’un million pour les deux forfaits de Maître Gims et une communauté de vingt-cinq millions de personnes sur les réseaux sociaux.

    Pur Son Ghetto

    Pour comprendre comment ce Franco-Malien, né à Paris mais résidant à Nioro du Sahel durant ses dix premières années, est parvenu à se hisser au sommet du rap-business en France, il faut remonter au croisement des années 1990 et 2000. À cette époque, après avoir enchaîné les boulots de plombier, maçon, carreleur… Dawala est engagé en tant qu’éducateur sportif par la ville de Paris et se voit charger d’animer quotidiennement deux heures de futsal pour les jeunes du quartier. « Comme certains voulaient rapper et que je connaissais quelques MC’s comme Rohff, 113, Oxmo ou Lino, avant qu’ils ne soient au sommet, j’ai eu l’idée d’une compilation. » De là naît « Pur Son Ghetto », dont les initiales sont inspirées du club de foot de la capitale. « À l’époque, il y avait Weah, Ginola, le PSG était au top ! Pour parfaire le tout, j’ai eu l’idée de mettre des Tours Eiffel sur les pochettes histoire d’attirer l’œil des touristes aux marchés aux puces ou à Montmartre. »

    Premier coup marketing, première réussite. Inspiré par les success-stories du Secteur Ä et du Wu-Tang, Dawala profite alors des différents tournois de foot intercités pour établir des connexions avec quelques rappeurs. Parmi eux, il y a Dry, membre du groupe Intouchables, dont Dawala produit le premier disque. Toujours dans les bons coups, le MC, également actif au sein de la Mafia K’1 Fry, le présente à un jeune crew qu’il a repéré depuis quelques semaines. Son nom : Sexion d’Assaut. « La première fois que j’ai vu les membres du groupe, c’était à Châtelet. » Dawala flaire le bon coup. « Ils étaient bien plus nombreux qu’aujourd’hui, mais le collectif s’est peu à peu soudé autour d’un noyau de huit artistes. Pendant une dizaine d’années, on l’a développé et le projet a commencé à grandir. On a ramené plus de 400 spectateurs à Bastille, on a fait la première partie de NTM au Parc des Princes et on a failli faire celle de Jay-Z. Au dernier moment, on a tout annulé parce que le tourneur ne nous respectait pas assez… »

    « En France, on a peur de varier les activités, de tenter, mais les grands businessmen ont toujours trois secteurs d’activités. » 

    Comme les trois bandes d’Adidas

    Pas là pour courber l’échine, Dawala n’en fait finalement qu’à sa tête : il trouve le nom de son entreprise en passant devant une cabine téléphonique au Mali ouverte « warati bé » (« à tout moment »), transforme l’expression en Wati B (« pour le côté anglophone »), demande à son graphiste d’imiter le logo à trois bandes d’Adidas, donne un T-shirt à chaque CD vendu, pose en photo avec P. Diddy (« pas une inspiration, je préfère mener mes propres idées ») et voit Sony France racheter 30% du capital de sa branche discographique en 2012. « Un label de rap indépendant racheté par une major, ça ne s’était jamais vu en France. Dès lors, j’ai compris que Wati B ne devait pas être marié qu’à la musique. En France, on a peur de varier les activités, de tenter, mais les grands businessmen ont toujours trois secteurs d’activités. »

    Être fan de Dawala, ce n’est donc pas seulement l’observer profiter de son succès, mais c’est aussi le voir investir sans trembler des jambes dans le monde du textile avec la marque sportswear Wati B (sponsor officiel de deux clubs de L1), les boissons non alcoolisées (Wati Bulles), le conseil sportif (Wati Sport) ou encore le cinéma. « La Pièce, le premier film produit par Wati Film, est un projet que j’ai co-écrit avec Dry. Ça raconte l’histoire d’un SDF qui, en partant de rien, parvient à faire fructifier son unique pièce de monnaie en se faisant aider par les gens du quartier, qui lui offrent un logement avant que ce dernier, une fois sorti d’affaires, n’aide les jeunes à ouvrir un centre. L’idée, c’est de mettre en avant les bienfaits du vivre ensemble. » Ça sort le 12 octobre sur les écrans et, forcément, ce véritable control-freak a tout prévu : placer quelques-uns de ses poulains dans le film (Dry, Black M, lui-même), mais aussi produire une bande-son qui réunirait sur une même compilation la crème du rap grand public de ces dernières années (Rohff, MZ, Youssoupha, Black M, encore). Ou comment compacter la musique du moment en une quinzaine de titres et rappeler, une nouvelle fois, que Dawala, n’en déplaise à ses détracteurs, éclate tout le monde dans presque tous les domaines.

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