Qui es-tu Yamê, toi l’artiste qui ranime la chanson française

L’artiste franco-camerounais de 30 ans, qui a vécu entre le 95 (Val-d’Oise) et Douala au Cameroun, est en train de s’imposer comme la révélation musicale de cette fin d’année. Portrait.
  • Tout le monde en parle. Quand on vous dit tout le monde, c’est aussi bien dans les pages du journal Le Monde, dans des podcasts sur Apple que sur TikTok où les morceaux de Yamê résonnent en arrière-fond de vidéos aussi variées qu’incongrues. Mais il y a une raison à cette soudaine popularité de cet artiste au sourire atypique — il a perdu ses deux dents de lait dans un accident étant petit — ayant grandi entre le Val-d’Oise et le Cameroun : Yamê est considéré comme un « diamant brut » musical. On rembobine. 

    Emmanuel de son vrai prénom est né en France d’un père musicien sénégalo-camerounais (Ngoup’Emanty) et d’une mère franco-malgache informaticienne. Les influences musicales reflètent alors les différentes cultures présentes à la maison : la variété française côtoie le makossa, Fernandel et France Gall se retrouve au même niveau que Papa Wemba. À cinq ans, il quitte la France pour le Cameroun et s’installe à Douala où il débute son apprentissage musical au sein du studio de son papa. La guitare et les claviers seront ses premiers instruments. À 11 ans, après le décès de sa maman, c’est le retour à Cergy-Pontoise. 

    En banlieue parisienne, le jeune garçon biberonné aux jeux vidéo et fasciné par la mythologie grecque écoute de tout, mais surtout du rap français. Si la musique occupe son temps libre, Emmanuel poursuit quand même ses études. Il galère mais finit par obtenir un master dans la recherche d’information et de data. Sauf que là où Yamê aime s’exprimer, ce n’est pas entre les lignes de codes, mais assis au piano. Le même endroit où, durant sa vingtaine, il s'amuse à reprendre Muse. 

    Pour assouvir sa soif de musique, il se rend à des jam sessions organisées dans différentes salles et bars parisiens, par exemple au Carré Saint-Michel, au New Morning ou encore à la Petite Halle de La Villette. « Il y en avait parfois presque deux par soir. Au début, je regardais juste, et j’écoutais. Pendant un an, je n’ai pas osé jouer. Puis au Carré Saint-Michel je suis allé au piano, les mains tremblantes », raconte l’artiste de 30 ans au journal Le Monde. Assez vite, le musicien prend ses marques. Les jam sessions sont ce qu’on appelle une « bonne école » : on se confronte à un public souvent désintéressé qu’il faut aller conquérir. 

    Il y a deux éléments qui sautent aux yeux et aux oreilles avec Yamê. Le premier, son sourire unique qui lui permet, comme il le chante, de « caler un pétard entre ses dents ». Le second ? Sa voix aiguë, une voix de tête qu’il travaille et qui façonne aussi son style à part. Forcément, ses influences musicales diverses et ses références cryptiques aux jeux vidéo ou la mythologie aident aussi à créer un univers puissant dans lequel les fans peuvent se perdre, comme s’ils erraient dans Red Dead Redemption II

    Il y a maintenant trois ans, alors que le monde entier n’est pas encore confiné, Emmanuel travaille le jour dans une société de data et jamme la nuit. Mais en mars, on annonce un confinement. Yamê est alors en collocation dans une maison avec des amis musiciens et naturellement, les gars font de la musique. Quand il a fallu retourner « au bureau », le jeune artiste avait fait son choix : ça sera la musique. 

    Accompagné par le dispositif Le Fair — un dispositif de soutien au démarrage de carrières et de professionnalisation qui a aidé les carrières de Pomme, Jacques ou encore Eddy de Pretto —, Yamê se lance à 100% dans la musique. Ça passera ou ça sera retour aux data. En 2023, alors qu’il a déjà sorti une mixtape et plusieurs singles, les programmateurs des sessions berlinoise Colors l’appellent pour lui proposer d’interpréter un titre. Une aubaine quand on veut percer. Ça sera le morceau Bécane. Six mois et 10 millions de vues plus tard, Yamê n’est plus vraiment un rookie. Timbaland l’a appelé pour en savoir plus lui — après avoir remixé l’une de ses performances —, Booba est fan et Stromae lui a confié ses premières parties. 

    Au festival bretons les Trans Musicales (Rennes), Yamê a joué tous les soirs une création musicale au Théâtre L’Aire libre, comme Lous and the Yakuza ou Zaho de Sagazan avant lui. Signe que l’industrie musicale voit désormais en lui un espoir. Son premier album, « Elowi », est sorti en octobre 2023. Et qui sait, le deuxième sera peut-être produit par Timbaland ?

    Crédit photo : @Facebook Yamê