2023 M09 20
À partir de 2021, les internautes ont commencé à se poser des questions : mais qui est ce mystérieux groupe anglais baptisé Bar Italia signé sur le label underground World Music — la structure du musicien britannique Dean Blunt ? Deux ans plus tard, et même si les Anglais sont désormais signés chez Matador (Algiers, King Krule, Sonic Youth, Yo La Tengo, etc.), sachez que les fans du groupe n’ont pas beaucoup plus de réponses à leurs questions. La raison ? Bar Italia ne donne pas d’interviews, limite sa présence sur les réseaux sociaux au strict minimum et dit tout ce qu’il a dire dans sa musique, à savoir trois albums pour l’instant, et bientôt un quatrième qui vient d’être annoncé pour le 3 novembre prochain.
Que sait-on sur Bar Italia ? Peu de choses. Jezmi Tarik Fehmi et Sam Fenton avaient un groupe ensemble qui s’appelait Double Virgo. Nina Cristante, qui est d’origine italienne (elle vient de la région de Rome), avait un projet solo intitulé Nina — elle a aussi sorti un album de fitness sous l’alias Zao Dha Diet, un projet qui mêle bien-être et nutrition. La chanteuse est également proche de l’artiste Mica Levi, à l’origine de la BO du film Under the Skin. Sinon, quelques photos de presse permettent de voir vaguement à quoi ils ressemblent.
Mais à part ça, rien d’autre à se mettre sous la dent : le groupe reste muet. Comment ils se sont tous rencontrés ? Nobody knows. Bar Italia, c’est une référence à la chanson de Pulp du même nom sortie sur « Different Class » ? Peut-être. Quelles sont leurs inspirations ? Là encore, personne ne peut le dire. Le groupe a publié un premier album, « Quarrel », en 2020, puis un second « Bedhead » l’année suivante. Deux disques à écouter comme deux compilations de démos expérimentales où les trois musiciens tentent de trouver l’équilibre. Une justesse qui se fraie un chemin dès « Tracey Denim », leur troisième album sorti le 19 mai 2023 sur Matador.
« Tracey Denim » est l’album de la révélation pour Bar Italia. Quinze morceaux qui étalent leur vision de la musique, très orientée année fin 80’s - 90’s, avec des références multiples à un tas de formations plus ou moins connues de cette période (Slowdive, Breeders, Swell Maps, Adorable, Felt, Sonic Youth, etc.). Ce qu’il y a de fascinant sur cet album, c’est que le trio — qui se partage le chant tout au long du disque — semble à l’aise dans tous les styles, et parvient à s’approprier les codes de chacun d’entre eux tout en les cassant, ou en trouvant des façons de jouer avec. Il y a des hommages, mais pas de pompages. Les morceaux sont subtilement composés, ils touchent là où ça fait du bien mais laissent une légère insatisfaction qui donne envie d’y retourner.
Oui, en fait, on devient vite accro à cette ambiance sinistre et triste — un classique dans la musique indie — sous fond de minimaliste lo-fi. Même les morceaux plus doux comme Best in Show ne tombent pas dans la facilité ou l’oubli. D’ailleurs, ces titres prennent aussi leur place car à d’autres moments, comme sur Clark, Harpee ou Punkt, le trio passe la seconde, et n’hésite à montrer qu’ils peuvent aussi s’étoffer mélodiquement. Aussi surprenant soit-il, chaque morceau sur l’album rabat les cartes et devient votre nouvelle chanson préférée. Et le pire, c'est que ça change à chaque écoute.
En endossant un esprit DIY à 1000%, en assumant la pluralité des influences et en les maîtrisant sur le bout des doigts, Bar Italia passe là où les autres formations n’osent pas s’aventurer. La formation se fout d’être juste, de jouer sur le storytelling pour vendre, de jouer le jeu des photos de presse ou de courir les médias pour réaliser des interviews. Ils font de la musique, leur musique, et c’est au final la seule chose qu'on devra retenir.
Et comme quinze morceaux et un album en 2023 ne sont pas suffisants pour les oreilles, Bar Italia a décidé de revenir avec un nouveau disque en novembre. Il a été enregistré en Espagne, à Majorque, dans un petit home studio, et il s’intitule « The Twits ». Et le premier single, My Little Tony, reprend là où « Tracey Denim » s’est arrêté.
Le groupe sera en concert à paris le samedi 11 novembre lors du Pitchfork Festival.