C'est quoi, le "mumble rap" ?

  • En 2016, un grand nombre de nouveaux rappeurs ont cessé d'articuler leurs textes, d'où l'apparition d'un nouveau genre : le "mumble rap". Paradoxal ? Non. Nouvelle tendance ? Pas tant que ça.

    Le rap des feignants. « Articule ! » Lorsque vous aviez quinze ans et l’acné comme âme sœur, certains profs ont dû vous envoyer cette injonction un paquet de fois à la figure. Eh bien, le rap n’échappe pas à sa crise d’adolescence. Hopsin, OG Maco, Lil Uzi Vert (qui ne dit dit plus « You was right, I was wrong », mais « Uwezride, Iwezrong ») Lil Yachty, Desiigner et consort ont pris la drôle d’habitude de cesser d’articuler dans leurs chansons. Une tendance qui a explosé en 2016 mais qui n’est pas entièrement nouvelle. Toute cette génération est nourrie au Young Thug, Lil Wayne et Future, qui commençaient déjà à revendiquer la nonchalance dans leur flow. Mais cette année, certains petits nouveaux sont proches d’en avoir fait une norme.

    Moi pas comprendre. « Le rap est un vrai moyen d’expression, il sert à délivrer un message, une revendication ! » Blablabla, c’est fini tout ça, ou presque. Ça fait belle lurette (dès le début du hip-hop en fait) que certains rappeurs ne se soucient plus de raconter quoi que ce soit d’intéressant dans leurs titres. La véritable évolution, ici, c’est que le souci n’est même plus d’être audible. Les textes sont parfois relayés au simple élément musical, au même titre que les pistes de l’instru, grâce aux allitérations que le mumble rap fournit. Certains ont mis en avant l’explosion de la consommation de codéine dans le rap pour trouver une explication à ce côté stoned. Moui. L’explosion de l’auto-tune a certainement eu une influence bien plus grande.

    La France est dans les temps. Croyez-le ou non, Nekfeu n’est absolument pas représentatif de la scène rap française. Tant mieux. Si votre postulat de départ était celui-ci, vous risquez de frôler la crise cardiaque en écoutant les O’Boy, Hamza et parfois même Sneazzy. Pire, il se murmure que Nekfeu se serait mis à marmonner très récemment. Fini l’époque où l’Hexagone avait dix ans de retard dans le hip-hop. Quoique. En y réfléchissant bien, Kid Cudi pratique le mumble rap depuis Mathusalem et Lil Wayne a plus de dix ans carrière. Mais bon, c’est un autre débat.

    Le hip-hop est chamboulé. On voit bien les soi-disant puristes crier au sacrilège, au non-respect du passé hip-hop, un peu comme cet oncle qui vous explique que, vous les jeunes, vous êtes bons à rien et qu’à son époque, au moins, on articulait. Le mumble rap, c’est une nouvelle occasion de voir les anciens et les modernes du rap se fritter. Le hip-hop a quarante ans, l’âge d’engendrer des conflits de génération. Le rap marmonné (pour la V.F.) n’est même pas une scène à part entière, ni un véritable mouvement. C’est une tendance qui couvre un spectre allant du dancehall au R’n’B, de l’électro-pop (excusez le gros mot…) au rap.

    C’est quoi le hip-hop aujourd’hui ? Si votre famille est vraiment cool, c’est le débat qui animera votre nouvel an. Le hip-hop n’a cessé de se redéfinir et on a tenté de lui donner des définitions qu’on n’aurait jamais cherchées au rock. Le mumble rap, c’est la preuve que le rap ne se définit pas par son propos ou par la signification des paroles : c’est juste une musique dans laquelle on choisit ou non d’être compris, aux grooves différents, qui mute depuis quarante ans. Et ne pas articuler est devenu un moyen d’expression, n’en déplaise aux fans de boom bap. Heureusement pour eux et pour les représentants des autres chapelles hip-hop, il y aura bien à manger pour tout le monde en 2017.

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