Ariel Pink lui dédie son nouvel album, mais qui est Bobby Jameson ?

  • « Dedicated To Bobby Jameson », le nouvel album d’Ariel Pink n’est pas seulement un grand disque de pop tordue. C’est aussi un hommage clairement revendiqué au songwriter californien Bobby Jameson, génie oublié des années 1960. Portrait.

    Time To Meet Your God. Quand on connaît l’esprit foldingue d’Ariel Pink, difficile de savoir si le titre de ce morceau fait référence à lui-même, à Jésus ou à Bobby Jameson. Le nom de son dernier album, le neuvième, est peut-être un indice : « Dedicated To Bobby Jameson » est en effet nommé ainsi en référence à un singer-songwriter des années 1960, élevé à Los Angeles, biberonné aux rêves étoilés inhérents à la Cité des Anges et dépossédé de tout après seulement quelques années de carrière.

    Like a hobo. Né en 1945 dans l’Illinois, Bobby Jameson voit son destin basculer lorsqu’il s’installe en Californie au début des années 1960 : ce jeune hippie publie alors son premier 45 tours (Let’s Surf) et fait la rencontre d’un certain Tony Alamo qui devient rapidement son manager. Problème : le mec, évangéliste convaincu, est sur le point d’être condamné à 175 ans de prison pour abus sexuel sur mineur… Pas du tout au fait de cette histoire, Bobby Jameson continue de lui faire confiance. Tout comme il fait confiance en 1965 à Mira Records, qui lui donne alors deux semaines pour réécrire et réenregistrer les chansons de « Songs Of Protest and Anti-Protest », un disque laissé à l’abandon par un certain Chris Ducy. Bonne poire, Bobby Jameson accepte la mission, mais aussi le changement de patronyme (le disque est crédité à Chris Lucey) et cette étrange pochette avec Brian Jones des Rolling Stones en gros plan.

    « Jameson est impatient. Il est en colère. Il veut tout détruire et bâtir un monde brillant sur les décombres.« 

    La voix d’une génération. L’Américain n’est pourtant pas qu’un gentil pantin juste bon à chanter les titres des autres (les Stones et Frank Zappa lui ont chacun écrit un morceau). Vietnam, un de ses singles les plus engagés politiquement, en est une preuve. L’album « Color In Him », publié chez Verve en 1967, en est une autre. Comme le prouve l’analyse faite à l’époque par un des journalistes de Beat Magazine : « Jameson est impatient. Il est en colère. Il veut tout détruire et bâtir un monde brillant sur les décombres. Il est franchement contre la guerre, la haine et l’hypocrisie, et pour l’amour, l’honnêteté et l’individualité. JAMESON est la voix de la nouvelle génération. »

    Beautiful loser. La rencontre avec cette nouvelle génération n’aura jamais lieu. Désespéré par son insuccès, y compris de l’album « Working » sorti en 1969, Bobby Jameson sombre dans les drogues, tente à plusieurs reprises de se suicider et traverse les décennies suivantes en fantôme. Jusqu’au moment où, comme dans tous les films hollywoodiens, justice soit faite. En partie, du moins : on est alors en 2002 et le label Rev-ola se lance dans la réédition du premier album de Jameson. Une réussite à priori, sauf pour le principal intéressé qui ne touche aucun droit sur cette sortie et finit par quitter le bas monde en 2015, de la même façon qu’il a traversé sa vie : en perdant magnifique.

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