2017 M12 28
Lomepal – « Flip »
Date de sortie : 30 juin 2017
Contexte : quelques jours après l’arrivée de l’été, Lomepal balance l’un des albums de rap les plus surprenants de l’année, parfait pour accompagner les heures passées à chiller comme les journées passées la mine basse : « Soixante-dix, un âge que j’atteindrai sûrement jamais. »
Pourquoi c’est marquant : parce que si les mélodies se révèlent singulières, puisant aussi bien dans la chanson que dans l’électro (Superpoze et Stwo sont à la prod), la force de Lomepal, c’est avant tout la finesse d’écriture et le talent d’interprétation, pour le moins éclaboussant sur ce premier album. Parce que le Parisien s’est même permis de rééditer « Flip » en version deluxe avant les fêtes.
Jay-Z – « 4 :44 »
Date de sortie : 30 juin 2017
Contexte : alors que le grand public commençait à se demander si Jay-Z n’était pas simplement devenu une superstar people, incapable de produire autre chose que des disques dénués de courage (« Magna Carta Holy Grail »), le MC new-yorkais surprend son monde avec un disque en course dans la catégorie « Album de l’année » aux prochains Grammy Awards.
Pourquoi c’est marquant : parce que, même si on aurait pu craindre l’album de trop, Jay-Z étonne avec un album intimiste, sans démesure mais avec beaucoup de simplicité et de minimalisme dans la production – merci No.ID !
Tyler, The Creator – « Flower Boy »
Date de sortie : 21 juillet 2017
Contexte : au cœur d’une année dominée par le hip-hop, son inventivité, son hybridité, Tyler, The Creator ne pouvait que tirer son épingle du jeu et enfin prouver qu’il est capable d’enregistrer un album solide de bout en bout.
Pourquoi c’est marquant : parce qu’il s’agit sans doute de l’album le plus abouti de sa carrière, parce qu’il est bien entouré (Frank Ocean, A$AP Rocky, Kali Uchis) et parce que Tyler, The Creator se montre plus insaisissable que jamais. À ceux qui auraient échappé à ses précédents albums, un seul regard sur la pochette de « Flower Boy » suffit d’ailleurs à rappeler le bon goût et la folie du MC californien.
Arcade Fire – « Everything Now »
Date de sortie : 28 juillet 2017
Contexte : trois ans après avoir fait appel à James Murphy pour « Reflektor », Arcade Fire apporte à nouveau du sang neuf sur « Everything Now ». Au casting : Thomas Bangalter, Geoff Barrow (Portishead), Steve Mackey (Pulp) et le dancefloor, investi de façon plus ou moins évidente à chaque morceau.
Pourquoi c’est marquant : parce que, sans être décoiffant d’originalité, « Everything Now » est de ces albums capables de remixer avec aisance de vieux codes, de renfermer une poignée de tubes fédérateurs (Put Your Money on Me ou Everything Now) et de s’attaquer à la société consumériste. Ceux qui ont acheté l’album savent de quoi on parle.
Alex Cameron – « Forced Witness »
Date de sortie : 8 septembre 2017
Contexte : Soutenu par les Inrockuptibles, encensé par Vice depuis son premier album, paru en 2013 en Australie mais réédité seulement en 2016 dans le reste du monde, Alex Cameron était attendu au tournant. Peu craintif, il en a profité pour livrer l’un des albums pop les plus courageux de l’année.
Pourquoi c’est marquant : parce que « Forced Witness » est certainement le seul album que vont aimer ceux qui détestent l’extravagance, le kitsch, la bande FM des 80’s ou les références à Bruce Springsteen et Roxy Music. Parce que, dans un monde juste, la pop music aurait trouvé là l’une de ses nouvelles icônes.
Ariel Pink – « Dedicated To Bobby Jameson »
Date de sortie : 15 septembre 2017
Contexte : à l’instar d’Alex Cameron, Ariel Pink était lui aussi l’objet de toutes les attentes dans le milieu indie. Là encore, c’est une réussite totale. Enfin, pour ceux qui aiment la pop tordue et les mélodies disproportionnées.
Pourquoi c’est marquant : parce qu’Ariel Pink ne déçoit jamais. Parce qu’il atteint là une sorte d’excellence mélodique. Et parce qu’il en profite pour mettre en lumière un folkeux oublié des sixties. Sympa, le mec.
Hyacinthe – « Sarah »
Date de sortie : 29 septembre 2017
Contexte : l’année rap aura été particulièrement marquée par des textes sombres, mélancoliques, presque dépressifs. « Sarah » en est l’un des exemples les plus marquants avec ces morceaux qui ne traitent que de la mort, des désillusions quotidiennes et des amours déçus.
Pourquoi c’est marquant : parce que Hyacinthe prouve à lui seul que le rap est un genre hybride, qu’il peut flirter aussi bien avec la trance que la chanson la plus aventureuse, et qu’il peut masquer une subtile poésie derrière une apparente vulgarité : « Ici les anges suffoquent, en bref j’essaie de faire des trucs beaux avec des trucs moches. »
Kelela – « Take Me Apart »
Date de sortie : 6 octobre 2017
Contexte : le R’n’B a affiché une santé éclatante en 2017 (SZA, Syd, Kehlani), et Kelela, 34 ans, n’y est évidemment pas étrangère.
Pourquoi c’est marquant : parce qu’elle a apporté un peu de fraicheur et de courage au sein de Warp, parce que Beyoncé, Solange, Kanye West et Björk l’ont encensée et parce que son premier album décloisonne les genres et ouvre les perspectives pour l’avenir. « Heureusement Kelela », titrait-on d’ailleurs à juste titre il y a quelques semaines.
King Krule – « The Ooz»
Date de sortie : 13 octobre 2017
Contexte : en 2017, les freaks ont fait preuve d’une créativité dingue (Alex Cameron, Kirin J Callinan). Mais le jeune anglais, lui, a mis la barre encore plus haut avec un deuxième album taillé pour représenter les prolétaires, les âmes débauchées et tous les marginaux.
Pourquoi c’est marquant : parce que King Krule n’avait plus sorti d’album solo depuis 2013 et que l’on commençait à se demander s’il n’était pas déjà arrivé, à 23 ans, au bout de ses idées. Erreur : « The Ooz » est d’une belle insolence, inventif de bout en bout et irrévérencieux à chaque instant.
Orelsan – « La fête est finie »
Date de sortie : 20 octobre 2017
Contexte : là où la plupart des artistes teasent désormais leur nouvel album des mois à l’avance, Orelsan, lui, balance le clip de Basique fin septembre et enchaine directement avec le long format. Simple et basique, comme il dit.
Pourquoi c’est marquant : parce que « La Fête est finie » a éclaté tous les records et humilié commercialement Sardou, de retour dans les bacs le même jour que le rappeur de Caen. Parce que, de sa voix si particulière, Orelsan semble prendre plaisir à asséner quelques vérités. Celle-ci, par exemple : « Un jour, tu t’rends compte que personne n’écoute tes histoires, t’étais un jeune cool, maintenant t’es plus qu’un oncle bizarre. »
Chapelier Fou – « Muance »
Date de sortie : 20 octobre 2017
Contexte : à peine sept mois après avoir publié un best-of (« ! »), Chapelier Fou revient avec ce qui constitue sans doute son album le plus ambitieux à ce jour. Comme quoi, l’électro française peut encore compter sur ses figures les plus discrètes.
Pourquoi c’est marquant : parce qu’on a beau avoir retrouvé ce qui constitue la musique du Messin depuis ses débuts – la douceur des violons, les petites notes électroniques, la répétition des motifs —, ces caractéristiques sont ici exécutées à l’aide d’une grande variété d’instruments (guitare mandoline, bouzouki, etc.) et mises au service de samples issus du bebop, de la musique classique ou de pays éloignés (Pérou, Ukraine).
Curtis Harding – « Face Your Fear »
Date de sortie : 27 octobre 2017
Contexte : quelques semaines après l’arrivée sur nos écrans de The Deuce, la dernière série de David Simon (The Wire), Curtis Harding propose une sorte de bande-son alternative, composée et enregistrée aux côtés de Sam Cohen (Norah Jones, Kevin Morby) et visiblement pensée comme un hommage plus ou moins lointain à la blaxploitation.
Pourquoi c’est marquant : parce que « Face Your Fear » est l’un des rares albums de l’année à mériter pleinement l’appellation « soul ». Comment ? En mettant en son une musique riche en âme, dépourvue d’ornements orchestraux inutiles.
John Maus – « Screen Memories »
Date de sortie : 27 octobre 2017
Contexte : Depuis la sortie de « We Must Become The Pitiless Censors of Ourselves » en 2011, John Maus semblait avoir balayé l’idée de faire carrière dans l’industrie musicale, préférant à cela passer son doctorat en philosophie politique. En 2017, il surprend donc son monde avec un quatrième album qui sent bon les années de recherches et le perfectionnisme de son auteur.
Pourquoi c’est marquant : parce que, même s’il ne se passe pas tant de choses que cela dans ce post-punk, le talent de John Maus est d’en tirer une sève toujours fraîche et des mélodies qui, bien que complexes, paraissent évidentes à l’oreille.
Fever Ray – « Plunge »
Date de sortie : 27 octobre 2017
Contexte : aux côtés de la reine de la techno Paula Temple, à la production ici, Fever Ray accompagne l’automne avec un deuxième album en dix ans et tout un tas de réflexions abstraites publiées sur sa page Facebook. « Décider d’échouer est plus dur que la chute elle-même », philosophait-elle il y a quelques semaines.
Pourquoi c’est marquant : parce que la moitié de The Knife n’avait plus rien sorti depuis huit ans et que, contrairement à bon nombre d’albums qui se font attendre, on n’a pas été déçus. C’est toujours aussi chelou, bien ficelé et ça prouve que l’on peut vieillir (Karin Dreijer a 45 ans) sans pour autant céder le pas à des mélodies et des délires purement égocentriques (coucou Björk !).
Baxter Dury – « Prince Of Tears »
Date de sortie : 27 octobre 2017
Contexte : suite à une rupture amoureuse difficile, le dandy anglais s’enferme en studio et livre l’un de ses albums les plus sophistiqués. L’un des plus collaboratifs également : on y retrouve l’ex-Pipettes Rose Elinor Dougall, la chanteuse Madeleine Hart ou encore Jason Williamson du duo Sleaford Mods.
Pourquoi c’est marquant : parce que Baxter Dury reste ce que l’Angleterre a de plus proche de Gainsbourg et que son spoken-word atteint ici un niveau excellent. Écouter un titre comme Miami reste ainsi le meilleur moyen de découvrir la face sombre de ce poète sans doute revanchard.
Charlotte Gainsbourg – « Rest »
Date de sortie : 17 novembre 2017
Contexte : en évoquant sa sœur (Kate) et son père (Lying With You), Charlotte Gainsbourg fait forcément de « Rest » un album intime, mais aussi un évènement au sein du paysage français, plus moderne, ambitieux et chercheur que d’autres œuvres publiées cette année par d’autres grandes figures de la pop hexagonale.
Pourquoi c’est marquant : parce que Charlotte Gainsbourg chante avec douceur et sensualité ses textes les plus intimes, le tout sur des mélodies de SebastiAn, de Guy-Man des Daft Punk et de Paul McCartney. C’est ce qui s’appelle peser dans le game.
N.E.R.D. – « No_One Ever Really Dies »
Date de sortie : 15 décembre 2017
Contexte : l’élection de Trump, le mouvement Black Lives Matter, le sort des réfugiés, l’extrême-droite américaine : les raisons d’élever la voix sont nombreuses ces derniers mois et N.E.R.D. a visiblement décidé de hausser le ton avec un cinquième album ouvertement plus engagé que les productions précédentes.
Pourquoi c’est marquant : parce que Pharrell et ses comparses s’inspirent ici du post-punk (Gang Of Four, Alan Vega). Parce que « No_One Ever Really Dies », très éclaté et porté par des structures à tiroirs, est assurément un grand album. Et même une œuvre majeure de notre temps.
Booba – « Trône »
Date de sortie : 2 décembre 2017
Contexte : initialement prévu le 15 décembre, « Trône » fuite sur le web début décembre et oblige B2O à avancer sa date de sortie. Plus de peur que de mal : deux semaines après son arrivée dans les bacs, son neuvième album est déjà double disque de platine.
Pourquoi c’est marquant : parce que « Trône » est un formidable réceptacle de rimes sensibles et de confessions intimes, mais aussi l’un de ses albums les plus ouvertement tournés vers ses racines africaines (« Tu veux voir ce que c’est Africa, t’as juste à me sucer la queue. »).
Et pour lire ou relire la première partie des disques importants de 2017, c’est par là.