5 albums de Depeche Mode décryptés par... Depeche Mode

  • « Spirit », le nouveau Depeche Mode, est dans les bacs depuis vendredi. L’occasion pour Jack de revisiter cinq albums phares des papes du synth-rock avec leur troisième homme, Andrew Fletcher.

    « Speak and Spell » (1981). Ce premier album correspond à l’époque où nos rêves sont devenus réalité. On avait 18, 19 ans et Martin (Gore, Ndr) et moi avions encore un job à Londres. Le soir, on se retrouvait au studio Blackwing, au sud de la Tamise. Je me souviens qu’on n’arrivait pas à y croire. Quand Depeche Mode a démarré, on n’aurait jamais imaginé obtenir un jour un quelconque succès. On était là, en train d’enregistrer un vrai disque et on se retrouvait quelques semaines plus tard à Top of the Pops, ce qui était complètement dingue pour nous.

    « Il y avait des chansons vraiment pas terribles sur cet album. »

    On avait joué New Life et Ian Gillan et The Evasions avec leur Wikka Wrap étaient programmés le même jour. Très étrange… Quand j’y repense, il y avait des chansons vraiment pas terribles sur cet album comme What’s Your Name ?, mais aussi de très bonnes comme Just Can’t Get Enough. Dreaming Of Me, le tout premier single de Depeche Mode, ne figurait pas sur cet album car il sonnait trop post-punk et on ne voulait pas tricher avec nos fans.

    « Music for The Masses » (1987). C’était une époque bizarre pour Depeche Mode car nous étions sur le point de nous imposer aux États-Unis alors que nous étions persuadés que les USA n’étaient pas faits pour nous. On n’était pas un groupe de rock, juste une formation électronique européenne et tout d’un coup, on est devenu les Beatles ! Pendant la tournée Music for the Masses, les filles hurlaient et s’évanouissaient.

    « Notre concert au Hollywood Bowl marque les débuts de la pop alternative aux États-Unis. »

    On a terminé la tournée au Hollywood Bowl de Los Angeles et je reste persuadé que ce concert marque les débuts de la pop alternative aux États-Unis… Never Let Me Down Again était un des titres principaux de l’album, il a toujours été un gros titre de scène pour nous, et il l’est encore aujourd’hui. Cet album avait été co-produit par David Bascombe, qui venait de réaliser celui de Tears For Fears qui contenait Shout et d’autres énormes tubes. C’est aussi à ce moment-là que nous avons croisé Anton Corbijn grâce à la vidéo de A Question of Time. Depuis, Anton est impliqué dans notre travail créatif, que ce soit les pochettes d’albums, les clips, la photographie ou le design scénique. Il est presque le quatrième membre de Depeche Mode.

    « Violator » (1990). C’est l’album parfait. Nous étions en train de progresser, mais le son et le mix de François Kevorkian et de Flood, le plus grand producteur de notre génération, étaient incroyables. Nous avons enregistré la majorité des titres de « Violator » à Milan.

    « J’étais persuadé que c’était une grosse erreur de sortir Personal Jesus en single. »

    On travaillait jusqu’à minuit, puis nous allions en boîte et nous levions le lendemain vers 15 heures pour retourner directement au studio ! J’étais persuadé que c’était une grosse erreur de sortir Personal Jesus en single. Bien sûr, j’ai eu tort car ça a été un hit massif avant même la sortie de l’album. Nous avions transformé en une heure et demie une ballade lente en plus gros single de notre carrière. On avait modifié le beat, ajouté un riff de guitare et accéléré la chanson et c’est devenu un énorme succès.

    « Songs of Faith and Devotion » (1993). À l’époque de l’enregistrement de « Songs… », Dave (Gahan, Ndr) vivait à Los Angeles et le grunge était en train d’exploser avec Nirvana. On avait loué une énorme maison à Madrid où nous avions installé un studio et Dave voulait absolument intégrer ce nouveau son grunge à notre musique. On n’arrivait à rien pendant les deux premières séances, puis on persévéré et avec Flood, on est arrivés à obtenir ce son plus rock.

    « 187 concerts, la débauche totale. »

    On aurait pu facilement faire un « Violator 2 », mais nous nous sommes embarqués dans une direction complètement différente. Il y avait encore de très bonnes chansons comme I Feel You, le premier single, que nous jouons toujours sur scène. C’était aussi une époque dangereuse car on vivait vraiment le truc à fond : lors de la tournée qui a suivi, nous avons donné 187 concerts, c’était la débauche totale, mais cet album reste fantastique à mes yeux.

    « Spirit » (2017). On travaille maintenant sur des cycles de quatre ans dans Depeche Mode. Ça nous donne le temps de nous reposer, de voir nos enfants, nos familles ou d’avoir des side-projects. Puis on s’y remet en enregistrant un album, en faisant la promo et en partant en tournée. C’est plutôt agréable, car dans les années 1980 et 1990, on enregistrait et on tournait tous les ans. On ne pourrait plus faire ça aujourd’hui…

    « C’est un album différent des autres, car nous nous sentons très concernés par l’état du monde actuel. »

    Cette fois, Martin a commencé à écrire de nouvelles chansons en 2015, puis nous sommes allés en studio avec le producteur James Ford. Un type étonnant, très doué pour le son, mais aussi un très bon multi-instrumentiste. Un jour, il a appris à jouer de la pedal-steel sous nos yeux en vingt minutes ! « Spirit » est un album différent des autres car nous nous sentons très concernés par l’état du monde actuel. Nous n’avions jamais vraiment abordé la politique dans Depeche Mode, mais « Spirit » est un album qui l’est à sa manière; il offre aussi de bons contrastes. Il y a toujours de l’espoir dans notre musique.

    Depeche Mode « Spirit » (Columbia/Sony Music). En concert à Paris (Stade de France) le 1er juillet

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