C'est officiel : Spotify ne paiera plus les artistes cumulant moins de 1000 écoutes

Annoncé depuis plusieurs semaines, le nouveau mode de rémunération de la plateforme de streaming suédoise a été officialisé hier. À partir de l’année prochaine, les morceaux écoutés moins de 1000 fois par an ne rapporteront plus rien aux artistes sur Spotify. Et ce n’est pas le seul changement au programme.
  • Ce n’est un secret pour personne : les artistes qui ne sont pas des stars touchent des montants dérisoires de la part des plateformes de streaming. C’est une réalité depuis leur apparition il y a une quinzaine d’années, et cela ne va malheureusement pas s’améliorer.

    À partir de janvier 2024, tout morceau écouté moins de 1000 fois pendant l’année ne rapportera plus un seul centime sur Spotify. Rien, nada, walou, niet, peau de balle. Jusqu’à présent, ces morceaux rapportaient en moyenne 0,03 dollar par mois selon Spotify.

    Et de l’aveu même de la plateforme suédoise, ces montants étaient trop faibles pour être touchés par les artistes, car en-dessous d’un certain montant, les labels et les distributeurs ne reversent rien – puisqu’il faut ajouter des frais bancaires pour chaque transaction.

    Résultat, Spotify a calculé que 40 millions de dollars au total ont ainsi été perdus en 2022, alors qu’ils auraient pu aller dans la poche d’autres artistes. C’est en tout cas l’explication que donne la plateforme pour justifier ce changement, arguant aussi que les morceaux écoutés moins de 1000 fois par an ne représentent « que » 0,5% du total des titres streamés chaque année, ce qui signifie que les autres (99,5%) vont rapporter davantage d’argent grâce à ce changement.

    Pour autant, si les artistes qui font partie des 0,5% en question ne comptaient évidemment pas sur les centimes de Spotify pour vivre, la dimension symbolique de ce changement suscite depuis plusieurs semaines des réactions outrées sur les réseaux sociaux.

    Avec cette décision, la plateforme donne en effet l’impression de délaisser plus que jamais les artistes qui débutent, au profit des plus établis. Or, voir un de ses morceaux être écouté au moins 1000 fois en une année constitue déjà un très bel accomplissement qui n’est pas à la portée de tout le monde, et on pourrait rétorquer à Spotify que cela mérite un paiement, même symbolique.

    Mais ce changement révèle en réalité à quel point la plateforme de Daniel Ek assume les inégalités entre artistes sur la plateforme – au profit des stars qui y touchent des millions –, à l’inverse par exemple de Deezer, engagé depuis plusieurs années sur cette question, et qui vient d’annoncer avec Universal un mode de rémunération plus favorable aux artistes – et mine de rien assez révolutionnaire pour l’industrie du streaming musical, même si la barre des 1000 écoutes y est également appliquée.

    Face au phénomène massif de la fraude – 1 à 3% des écoutes en 2021 selon le CNM – Spotify annonce également qu’une pénalité sera facturée aux labels et distributeurs qui se rendent coupables de favoriser les fake streams. Mais encore faut-il les détecter.

    Enfin, Spotify va aussi – et c’est une excellente nouvelle – moins bien rémunérer les titres qui ne sont pas de la musique, comme les sons d’ambiance, les cris d’animaux, le bruit blanc, l’ASMR – et même… le silence –, aujourd’hui exploités par des entreprises peu scrupuleuses qui uploadent des tonnes de pistes sonores de 30 secondes pour générer un maximum de revenus au détriment des artistes musicaux.

    Autrement dit : confrontées à une inflation des coûts de fonctionnement et à une rentabilité incertaine, les plateformes réagissent enfin face à l’afflux quotidien de nouveaux titres – 120 000 par jour aujourd’hui – qui réduisent mathématiquement la part du gâteau à redistribuer, même si une proportion énorme n’est jamais écoutée (38 millions rien qu’en 2022). Et ne parlons pas des titres générés en quelques secondes grâce à l’IA, et qui pourraient déferler par millions dans les années à venir.

    En conclusion, tout cela fait dire à certains experts bien informés que dans les années à venir, il deviendra impossible pour les artistes d'uploader leur musique gratuitement sur Spotify, à moins d'être déjà des stars. Ce serait alors une véritable révolution, mais on semble bien se diriger vers cette option.

    Crédit photo : Marco Verch

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