La plupart des utilisateurs Spotify ont trop honte de leurs goûts pour afficher leur rétrospective annuelle

Ça y est, le mois de décembre est là. Et avec lui, son cortège de réjouissances – pulls moches, corvée de cadeaux inutiles, chansons neuneues, surconsommation de nourriture indigeste.

Comme si ça ne suffisait pas, voilà que Spotify vient de teaser avec un message qui donne des sueurs froides – Wrapped is coming – l’arrivée imminente de la rétrospective annuelle qui compile les morceaux et les artistes les plus écoutés par chaque compte au cours de l’année écoulée.

Comme à chaque fois, vous pensez avoir fait l’effort d’élargir vos horizons musicaux, mais au fond de vous et avec l’expérience accumulée au fil des années, vous savez quels sentiments vous attendent : la déception et la honte. Impitoyables, les statistiques cliniques de Spotify vous révèlent que vous écoutez en boucle Michel Sardou dans les mauvais jours et Gims dans les bons.

Au même moment, les plus mélomanes m'as-tu-vu de vos potes partagent fièrement sur tous leurs réseaux sociaux des rétrospectives qui affichent des centaines de milliers de minutes écoutées et des dizaines de groupes inconnus découverts sur Bandcamp. C’en est trop pour vous : vous refermez l’onglet piteusement en jurant de ne jamais révéler au grand jour les tréfonds de vos goûts musicaux.

Si l’on en croit une étude publiée l’an dernier, ce comportement n’a rien de surprenant. En réalité, il est même très majoritaire. Selon l’institut de sondage One Poll, ce sont en effet 68% des utilisateurs de Spotify qui auraient trop honte de ce qu’ils écoutent pour partager les résultats de leur rétrospective annuelle. Et seuls 20% n’auraient pas honte du tout, selon cette étude menée sur 1000 personnes utilisant Spotify.

Si l'on rentre dans le détail, il est intéressant de noter que ce sont celles et ceux qui écoutent le plus de musique – entre 40 000 et 50 000 minutes par an – qui ont le plus de réticences à partager leurs goûts, puisque le chiffre monte à 75% de honte dans cette catégorie. À l’inverse, si vous écoutez moins de 10 000 minutes par an, il y a seulement 55% de chances que vous ayez honte de partager votre rétrospective.

Heureusement pour Spotify, tout n’est pas négatif dans cette étude, puisque 83% des personnes interrogées disent attendre avec impatience l’arrivée de Spotify Wrapped, et ce chiffre monte même à 94% pour celles qui écoutent plus de 50 000 minutes de musique par an. Mieux encore, 80% de l’échantillon juge que les résultats de Spotify Wrapped sont précis (94% pour la génération Z, 85% pour les boomers).

Enfin, on apprend que les résultats de Spotify Wrapped ont incité 81% des personnes sondées à faire davantage de découvertes musicales l’année suivante. Une réponse qui ressemble fort à une résolution de fin d’année qu’on ne tiendra pas, car d’autres études montrent que la plupart des gens arrêtent de découvrir de nouveaux artistes très tôt dans leur vie.

Une conclusion bien triste, mais pas autant que l’existence sur Spotify de l’option « écoute privée », qui permet de cacher à ses contacts ce que l’on écoute. Une fonction qui en dit long sur l’importance de la construction sociale du goût et qui nous amène à vous recommander un livre utile à mettre sur votre liste de Noël : La Distinction : Critique sociale du jugement (Pierre Bourdieu, 1979). Et surtout souvenez-vous : là où il a de la gêne, il n’y a pas de plaisir.