Tuboscopie : "Runnin'" de Pharrell Williams 

  • Trop happy d’avoir été lucky avec les Daft Punk, Pharrell repart aujourd'hui à l’assaut des charts avec "Runnin'". Analyse d'un tube en puissance.

    C’est quoi l’histoire ?

    En juin 2015, Pharrell offre à Apple Music le titre Freedom. Au moment même où le mouvement Black Lives Matter s’invite dans la campagne présidentielle américaine, Pharrell livre un titre reprenant le phrasé et le piano de Nina Simone, figure de proue des mouvements pour les droits civiques des noirs américains dans les années 1960. Aujourd’hui, alors que sort en janvier 2017 Hidden Figures, un film racontant l’histoire de trois femmes noires ingénieures pour la NASA, Pharrell – coproducteur du film et pro du marketing – dévoile quelques morceaux de la B.O., dont le fameux Runnin’.

    Pourquoi ça marche ?

    Parce que Runnin’ reprend l’exercice de style là où Pharrell l’avait laissé avec Freedom. Encore plus minimaliste que son prédécesseur (un accord mineur pour les couplets, une descente pour le refrain), il n’y utilise que les instruments emblématiques de la soul sixties (batterie, basse, piano, guitare et une section de cuivre composée de trombones, saxophones et trompettes) et accentue l’effet vintage en laissant un souffle énorme patiner l’ensemble du morceau. Écrit comme une chanson folk, Runnin’ se la joue humble. Les couplets prenant le dessus sur les refrains, il n’y même pas de pont et la seule aération de la chanson est un saxophone jouant la ligne de la basse sur le début du dernier couplet. Mais la manière dont les arrangements délimitent la structure et le jeu entre les différents chœurs démontre que la production de Pharrell ne laisse rien au hasard.

    Alors, qu’est-ce qui fait courir Pharrell Williams ?

    Il y a 50 ans, si cette chanson avait été interprétée par une chanteuse noire, on l’aurait considérée comme une protest song. Le texte y est acéré et raconte l’histoire d’un peuple qui en a assez de courir, l’histoire d’un gouvernement qui veut envoyer des hommes sur la lune quand une partie de la population a l’impression de vivre sur Mars. Aujourd’hui, avec son aspect rétro et ce Pharrell jouant une femme noire de 70 ans, cette chanson peut paraître autant aussi nostalgique que dérangeante : essaie-t-on de nous vendre le film ou de nous dire que, en un demi-siècle, rien n’a changé aux USA ? 

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