Pharrell Williams est-il le Benjamin Button de la pop ?

Cette semaine, Pharrell fêtait ses 47 ans, dont plus de la moitié passée à composer des tubes pour tous les artistes de la planète, de Justin Timberlake à Madonna, en passant par The Clipse, Rohff ou Teriyaki Boyz. Une carrière absolument unique dans l’industrie musicale, que l’Américain semble décider à poursuivre alors que tout le monde s'interroge : ce garçon ne rajeunit-il pas au fur et à mesure qu'il vieillit ?

C’est un homme qui peut avoir le sentiment du travail bien fait. En plus de 25 ans de carrière, Pharrell Williams a considérablement marqué la mémoire de l’auditeur - de hip-hop, de R&B, mais aussi d’électro et de pop music - sans (presque) jamais défrayer la chronique, mais toujours en recevant les honneurs et les reconnaissances critiques à la hauteur, sinon de son parcours, du moins de son œuvre.

Depuis ses débuts avec les Neptunes au début des 90's, l’Américain apparaît comme un artiste constamment en phase avec son époque, quitte à la devancer : presque deux décennies après leur création, Milkshake de Kelis et Light Your Ass On Fire de Busta Rhymes ne sont-ils pas toujours aussi modernes ? Il aurait pu être impacté par la réception en demi-teinte de « In My Mind », son premier album solo, paru en 2006, mais là encore, il a préféré observé, absorbé et continué de peaufiner sa patte stylistique, s’abreuvant aussi bien d’une culture à la fois populaire et alternative, mettant constamment les hormones en ébullition : Margarita de Sleepy Brown et Hot In Herre de Nelly sont en cela des cas d'école.

À 47 ans, un âge où beaucoup abandonnent leurs velléités défricheuses au profit de productions plus convenues, Pharrell reste ce musicien à l’affût de tout, vénéré par une multitude d’héritiers (Tyler, The Creator, Frank Ocean, Kaytranada, etc.) et jamais ringard. Ces trois dernières années, on l’a ainsi entendu aux côtés de Gesaffelstein, offrir de nouvelles possibilités à la trap (Stir Fry de Migos), creuser davantage ses racines africaines (Letter To My Godfather), produire des icônes pop (Beck), dévergonder comme jamais le format hip-hop avec N.E.R.D., et collaborer une énième fois avec Hans Zimmer sur la B.O. du troisième épisode de Moi, moche et méchant.

En 2014, année où il remporte 4 Grammy Awards et écoule par millions ses trois singles (Get Lucky, Blurried Lines et Happy), l'une des recherches Google les plus populaires à son sujet était celle-ci : « Pharrell est-il un vampire ? »

C'est vrai qu'il y a de quoi se poser la question quand on sait que le bonhomme, véritable Benjamin Button de l'entertainment mondial, sait s'abreuver comme personne des dernières tendances. Sans doute est-ce pour cela qu'il a traversé les trois dernières décennies en tête des charts. Avec, à chaque fois, ce mélange que l’on pensait jusque-là impossible entre le rap, le minimalisme, les guitares pop et le funk synthétique des 80’s. « Lord Willin' », le premier album des Clipse, produit par Neptunes en 2002, reconnu désormais comme l’un des actes marquants du hip-hop américain, était un pur album de gangsta-rap, mais aussi un tourbillon d’innovations où s’entrechoquaient mille influences au sein d’un même beat, dépouillé à l’extrême.

Depuis, on le sait, Pharrell a permis à toute une génération de rockeurs d’écouter du rap (l’inverse est vrai également) avec N.E.R.D., l’hydre à trois têtes pilotée aux côtés de Chad Hugo et Shay Haley. Il a aussi contribué au retour en forme de Snoop Dogg, favorisé le changement de dimension de Justin Timberlake ou Gwen Stefani, permis à Britney Spears et Madonna de se réinventer, et composé un sacré paquet de tubes pour le gotha de la pop music. Sans jamais se lasser : dernièrement, il a même annoncé avoir relancé la machine à hits The Neptunes et partagé des moments en studio avec Jay-Z, Lil Uzi Vert, Miley Cyrus et Lil Nas X.

En clair, il n’est plus ce petit artiste qui s’amusait avec ses vieux synthés dans les studios de Teddy Riley au début années 1990. Il est devenu un faiseur de tubes imparables, un sorcier du studio souvent tourné vers l'avenir, parfois politisé, mais systématiquement capable de réunir dans son sillage les plus grands noms de la pop et de composer une musique qui, si elle claque comme une affirmation, entretient surtout le mystère (sur sa temporalité, son origine, etc.) comme un point d’interrogation.