2023 M09 7
D’aussi loin qu’il se souvienne, Jalen Ngonda, 28 ans, s’est toujours considéré comme un enfant de la soul. Il en a étudié les grands classiques (de The Temptations à Mary Wells, en passant par Smokey Robinson and The Miracles), a appris à en composer dès son 14ème anniversaire. Comme Marvin Gaye ou Curtis Mayfield avant lui, il a également fait ses premières armes dans une église, où il joue de l’orgue. Un chemin classique, pourrait-on dire, duquel l’Américain ne cherche jamais à dévier. À l’école primaire, déjà, il s’essaie au violon avant de se tourner vers la guitare et le piano. Plus tard, c’est au Liverpool Institute for Performing Arts, en Angleterre, qu’il apprend à maîtriser sa voix, à perfectionner ce timbre, ce falsetto qui pourrait faire des merveilles s’il venait à être accompagné un jour de mélodies sophistiquées, richement orchestrées.
Mais pour y parvenir, Jalen Ngonda doit encore faire ses gammes. Alors, le jeune homme écume tous les festivals (Pickhaton, Newport Folk Festival, Festival de Jazz de Montréal), assure les premières parties de Laura Mvula et Lauryn Hill, et finit par faire la rencontre de Neal Sugarman, co-fondateur du mythique Daptone Records. C’est là, début 2020, que le destin de Jalen Ngonda bascule. Avec Mike Buckley et Vince Chiarito, tous deux membres de l’ancienne formation de Charles Bradley, comme nouveaux partenaires de vie.
Au niveau des compositions, Jalen Ngonda ne propose foncièrement rien de neuf : il s'agit ici d'une soul introspective, vintage, ayant déjà fait par le passé la notoriété de Lee Fields et Sharon Jones - pour n'en citer que deux, également signés sur Daptone. « Come Around and Love Me » ressemble ainsi aux grands classiques de la soul. Il en a toutes les caractéristiques, en assume l'influence, mais finit toujours par échapper à toute forme de nostalgie.
Certes, What a Difference She Made, If You Don't Want My Love ou Come Around and Love Me donnent l'impression d'avoir été composés dans une machine capable de remonter le temps jusqu'à l'âge d'or de la Motown, voire même de pouvoir regarder les Beatles droit dans les yeux dès lors qu'il s'agit de tendre vers une efficacité pop, mais ces références ne sont jamais plombantes. Elles permettent surtout à Jalen Ngonda de s'appuyer sur de solides modèles au moment de composer ses propres mélodies, à la densité bluffante et au classicisme raffiné.
Ce qui fait le charme de Jalen Ngonda, jusqu'au cœur de sa session Colors, c'est aussi sa voix, profonde, magnétique. Celle d'un homme sensible, que l'on imagine pleurer en écoutant des chansons tristes ou en pensant aux filles qu'il n'a pas su aimer comme elles le méritaient. C’est que « Come Around and Love Me », du titre de ses morceaux au contenu des paroles, ne peut masquer son ambition : c'est là le disque d'un cœur brisé, l'album d'un jeune homme qui n'a pas eu besoin de se prendre des râteaux pour bien chanter, mais qui a indéniablement trouvé dans ces expériences douloureuses suffisamment d'idées pour nourrir son premier long-format, charmeur, élégant, mais avant tout minutieux et terriblement fragile.
"Come Around and Love Me" de Jalen Ngonda, sortie prévue le 8 septembre 2023.