Pourra-t-on offrir des vinyles pour Noël ?

Le vinyle, c’est un cadeau de Noël simple et efficace. Mais encore faut-il réussir à en trouver. Le 18 novembre dernier, la Fédération des labels indépendants et le Syndicat des musiques actuelles alertaient sur une situation critique. Face à la crise des matières premières et à la pression des majors, les pressages de vinyles prennent de plus en plus de retard, et il faut désormais s’y prendre au moins six mois (!) à l’avance.
  • Bonne nouvelle : le vinyle se vend bien. Presque trop. Le confinement a même boosté les ventes : en 2020, 4,5 millions de galettes se sont vendues en France. Aux USA, 19,2 millions ont été achetées dans les trois premiers mois de 2020, contre 9,2 millions pour la même période en 2020. Même si cela reste bien peu face au streaming, il y a de quoi être encouragé à vendre sous ce format. Mais il y a un problème : les cadences de production ne suivent pas. Selon un expert interrogé par le site américain Billboard, « les usines de pressage peuvent produire 160 millions d’albums par an », alors que la demande, en pleine explosion, se situerait plutôt « quelque part entre 320 et 400 millions ».

    Ce déséquilibre est également constaté par la Félin (fédération des labels indépendants) et le SMA (syndicat des musiques actuelles). Dans un communiqué commun du 18 novembre, ils mettent en avant la situation particulièrement difficile des labels indépendants. Depuis plusieurs mois, ils font déjà face à la crise des matières premières, en particulier des polymères nécessaires à la fabrication de vinyles, et très demandés dans d’autres industries (notamment automobile). Le bois, et donc le papier, est également touché, entraînant des difficultés pour les pochettes. Ceci fait monter les prix, et surtout les délais, « passant de 8/13 semaines à 6/8 mois ».

    Une autre cause réside dans l’intérêt croissant des majors pour le format. « Afin de répondre à une demande croissante, les “acteurs majeurs” de la scène phonographique n’hésitent pas à réserver les chaines de productions, dotés d’une force de négociation que les indépendants n’ont pas. » Les usines de pressage sont rares dans le monde, et les majors arrivent à se rendre prioritaires. Ce qui allonge encore les délais. La situation est encore plus cruelle pour les labels indépendants, car la pandémie a repoussé plusieurs albums de stars, qui se retrouvent à tous sortir en même temps. Adele, Ed Sheeran, Coldplay, ABBA, Taylor Swift : c’est l’embouteillage. Et on risque ainsi de ne rien trouver d’autre dans les bacs.

    La Félin et le SMA évoquent également les marges exagérées pratiquées par les majors. Cette pratique était déjà pointée du doigt en juin par le Gredin, syndicat des disquaires indépendants. Pour eux, la crise des matières premières entraîne une hausse des coûts allant de 15 à 20 %, alors que la marge des vinyles des majors a bondi à 30 % en moyenne, et parfois bien plus. Ils citent notamment l’album « Dure Limite » de Téléphone, paru en 1982, passé 12,49 euros (hors-taxe) à 30,05 euros, pour un prix final bondissant de 21,30 euros à 51 euros. Dans Telerama, Christophe Ouali détaille d’autres exemples, concernant David Bowie, Air ou Dua Lipa. « Ils voudraient tuer le vinyle qu’ils ne s’y prendraient pas autrement. » se lamente-t-il. Pour lui, comme pour la Félin et le SMA, tout ceci va engendrer une baisse des ventes, et un appauvrissement de l’offre. Et un Noël plus triste pour les mélomanes.