La Covid-19 va-t-elle aussi tuer l'industrie du vinyle ?

Allons-nous vers une pénurie de vinyles ? Le secteur connaît actuellement un moment difficile, la faute à problème bien plus large : la crise des matières premières. Les matières plastiques, en particulier, font face à une demande en hausse et une production en baisse, entraînant une hausse des coûts et des délais de livraison.
  • Cette pandémie n’est pas encore arrivée au bout de ses surprises. Alors que l’horizon commence enfin à se dégager pour le secteur du live, le milieu de la musique enregistrée, jusqu’ici relativement préservé, subit un coup dur. Et plus précisément celui du disque vinyle. Reprenons la base : un vinyle est essentiellement fait à partir de polymères, produits obtenus par la transformation chimique du pétrole. De tels produits sont omniprésents dans notre société, puisque ce sont, par exemple, tous les produits en plastique.

    Or, il y a un problème avec le pétrole. Au début de la pandémie, les besoins ont énormément baissé, les cuves étaient pleines, et il a fallu baisser la production. Or, dès la reprise, et particulièrement en Chine, la demande en pétrole et en polymères a explosé, notamment pour relancer l’industrie automobile. Les secteurs de la santé, de l’emballage et du bâtiment ont également des besoins en hausse de ce point de vue. Le problème, c’est que l’industrie pétrochimique ne se relance pas aussi facilement, et il lui faut un peu de temps pour retrouver son activité maximale. Par ailleurs, le coronavirus a également bousculé les flux de transport maritime. Le déplacement des contenairs, notamment, connaît une hausse des coûts de 440 %.

    La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est le coup de froid qu’a récemment connu le Texas, état exportateur de pétrole. Le gel a paralysé la production, à un moment où la demande explosait. La réaction ne s’est pas faite attendre : devenus plus difficiles à trouver, le prix des polymères a grimpé en flèche, avec une hausse de 30 à 40 %. C’est une crise mondiale du plastique qui est en cours, à un niveau jamais vu.

    Placée en bout de chaîne, l’industrie du disque paraît bien dérisoire face à l’automobile ou la santé, ainsi que des enjeux géopolitiques globaux. En France, c’est la Félin (Fédération Nationale des Labels indépendants) qui tire la sonette d’alarme. Elle souligne que cette crise de matière première est déjà en cours. Délais de livraison, coûts de production, tout est en hausse. Et les labels indépendants pourraient être particulièrement touchés, car, comme indique la Félin, plus le nombre de disques pressés est faible, plus la hausse des coûts se fait ressentir : « environ +30% pour 300 copies et +20% pour 1000 copies. » Plus que jamais, les labels vont devoir anticiper au maximum les ventes. Et ce avec une énorme avance : « certaines usines annoncent un délai de fabrication allant de 6 à 8 mois ». C’est toute la logistique de production de vinyles qui est impactée, alors que certains labels fonctionnent déjà à flux tendu. Et personne ne voit encore la lumière au bout du tunnel. Certains observateurs parlent d’une crise pouvant durer jusqu’en octobre.

    Cette quasi-pénurie vient souligner un problème central de l’industrie du disque : sa dépendance énorme au plastique, et au pétrole en général. Pour la Félin, « cette crise nous invite une nouvelle fois à réfléchir sur notre secteur et son impact environnemental ». Elle pointe notamment une « innovation technologique inexistante », notamment sur la question du recyclage, ou de la fabrication des disques, loin d’être optimale. Le coronavirus aura donc au moins le mérite de forcer à se poser de vraies bonnes questions.

    Crédit photo Une : Gatis Gribusts.