Pourquoi le retour de Prince Waly est une bonne nouvelle pour le rap

Après 3 ans de pause forcée à cause d’une maladie, Prince Waly est de retour pour dévoiler les prémices de son premier album solo. Tout porte à croire que le disque à venir du MC de Montreuil va secouer le rap francophone. Autant de raisons qu’on vous détaille ici, qui nous laissent penser que l’heure du «  Walygator  » va enfin sonner.
  • Tout vient à point à qui sait attendre. Si ce proverbe est connu de tous, il compte double pour Prince Waly, absent des radars depuis 3 longues années. En plus de ce dicton, le poète français du XVIe siècle Clément Marot est connu pour avoir transformé des psaumes de la Bible. En les réorganisant en strophes puis en les gonflant de rimes, il a permis à un grand nombre qu’ils soient chantés. Une technique sémantique qui s’apparente au rap, discipline de cœur de Waly, qui s’articule elle aussi autour de mesures (l’équivalent des strophes) et de rimes. 

    Le lien entre les deux hommes ne s’arrête pas là. Outre cet aspect purement stylistique, Clément Marot est un précurseur de La Pléiade, ce grand mouvement littéraire de la Renaissance française. À défaut de vous expliquer pourquoi ce courant fut important, concentrons-nous sur Prince Waly et sur les indices que son dernier titre Walygator laisse planer. Ces mêmes indices qui nous font dire que, son disque à venir pourrait, comme La Pléiade, lancer une tendance majeure dans le rap de demain.

    Commençons par le commencement : manier avec maestria les rudiments du domaine de base. Ce MC de Montreuil a passé toutes ses classes haut la main. Durant ses études, il s’est d’abord familiarisé avec l’œuvre des aînés, de Lunatic aux X-Men. Une connaissance qui l’a incité à se lancer à son tour, en duo comme ses modèles, en compagnie du producteur et rappeur Fiasko Proximo. Réunis sous le nom de Big Budha Cheez et intégrés au collectif Exepoq, ils surfent cette vague nouvelle aux côtés des membres de 1995, un autre crew qui héberge notamment Alpha Wann — dont Waly ne tarit pas d’éloges. Afin de montrer que les acquis sont validés, la paire sort plusieurs projets, dont trois albums, « Ma routine roule à M.City » (2012), « L’heure des loups » (2016) et « Epicerie Coréenne » (2018). 

    Dedans, Waly excelle pour chaque matière. Avec cette multiplicité de flows qui raconte moult histoires tiraillées entre egotrip et storytelling, l’autoproclamé « Maire de Montreuil » prouve que ce rap très inspiré des nineties n’a plus de secret pour lui, donc dans un sens, plus grand intérêt. À l’inverse, il n’oubliera jamais les schémas de rimes alambiqués et recherchés que cette période exigeait. Rapide vérification grâce à Walygator : « Tes billets, j’fauche, pas de regrets, Lunatic c’est le game et les flics je sème/Aucun remord quand il faut le biff, pansement sous lеs vêtements en cuir, jе saigne ».

    À côté de Big Budha Cheez, Prince Waly a toujours eu des élans solitaires. C’est ce point particulier qui nous amène à notre deuxième idée : s’entourer de chaque talent auquel il est sensible, puis briser les frontières du rap. Dès 2013, le MC est sorti de son collectif pour croiser son art avec d’autres. D’abord, il y a eu les gars de Bon Gamin, Ichon, Loveni, puis leur producteur Myth Syzer. Ce dernier lui fournit une première compo pour un premier morceau solo, Clean Shoes (2013). Un essai qui les a poussés à sortir ensemble « Junior » (2016), un EP de 7 titres exclusivement produits par Syzer.

    On vous voit venir : « mais les gens dont vous parlez sont tous issus du rap ! ». Patience, on y arrive. Dans ce que l’on pourrait considérer comme sa deuxième partie de carrière, à savoir, l’après « Epicerie Coréenne » (post-2018), Prince Waly a glissé une tête en dehors du milieu. Déjà, lorsqu’il a rencontré Enchantée Julia, l’une des actuelles voix d’un R’N’B protéiforme made in France. Surtout, c’est avec son deuxième EP solo qu’il a confirmé cette direction. Dans ce « BO Y Z » (2019), on retrouve des artistes comme Timothée Joly, Saintard ou encore Arthur Teboul de Feu! Chatterton.

    Et devinez quoi ? La prod’ de ce dernier Walygator est signée par Crayon, un compositeur dont le deuxième EP à la fois jazz et électronique, « Misplaced / Ithinkso » (2022), porte la griffe des Anglais de Erased Tapes. Alors, convaincu.e.s ?

    La dernière raison qui nous pousse à affirmer que le premier album solo de Waly sera décisif aurait pu être sa capacité à s’inspirer du cinéma, à la fois dans ses textes et ses clips. Mais pour le coup, c’est un peu trop évident, alors passons. Le troisième élément que l’on retient concerne son indépendance face à cette industrie… envahissante parfois. Éludons tout de suite un point : Waly est distribué par Sony, certes, mais il est son propre producteur et totalement affranchi grâce à sa structure BO Y Z. 

    Pour étayer cette idée, nous avons contacté un proche du Prince. Voici ce qu’il nous a dit :

    « Waly est un mec qui fait tout, tout seul. Il est à un coup de fil de n’importe quelle personne : dès qu’il a besoin de collaborer ou d’un service en particulier — stylisme, beatmakers, studio… – il sait qui appeler. C’est la débrouille ! Il n’envisage pas une seconde qu’on lui dise quoi ou comment faire. Un de ses plus grands talents, c’est son pouvoir d’attraction. C’est fascinant de voir un mec à ce point entouré de gens bienveillants. En tout cas, cette idée d’indépendance, c’est en lui ! »

    Logiquement, cette formule se renouvelle sur Walygator. Espérons que cette prise de risque qui l’écarte des sentiers battus, c’est-à-dire, qui se différencie de ces albums génériques sur lesquels la tracklist a l’allure d’un cahier des charges, pourra en inspirer plus d’un.

    En anticipant que certains observateurs allaient affirmer qu’il snobe le rap, Prince Waly a voulu mettre les choses au clair. Il y a plusieurs jours, pour rappeler à tout le monde d’où il vient, le MC s’est prêté au jeu du freestyle. Chez nos confrères de Grünt, il a une nouvelle fois montré qu’il est un des leaders de ce sport, et bien sûr, qu’il est à l’aise sur tous types de prod’, qu’elles soient anciennes ou actuelles.

    Sinon, à propos de ce nouvel album ? Et bien, peu d’infos ont filtré, mais notre source a affirmé qu’il allait « pas mal parler de ses trois dernières années » et aborder des thèmes comme « l’amour et la mort ». Une piste que Waly a plus ou moins confirmé lorsqu’il s’est confié chez nos collègues de Clique. Lors de cette rare interview, il a aussi donné de ses nouvelles, notamment sur sa santé.

    Concernant la sortie de ce disque maintenant ? Notre interlocuteur nous a fait savoir qu’il faudra être patient, « au moins encore pour plusieurs mois ». L’occasion parfaite pour nous de recycler le dicton du début de papier : tout vient à point… Vous connaissez la suite.

    Prince Waly sera en concert au festival Les Ardentes le 9 juillet 2022

    Crédit photos : Fifou