Que pensent les journalistes étrangers de la pop française ?

  • « Le rock français, c’est comme le vin anglais », disait John Lennon. Aujourd'hui, l’avis des Anglo-Saxons sur la musique française ne s'est guère amélioré. Même si les trois journalistes interviewés ici pensent que cela tend à changer.

    Jonathyne Briggs (auteur de Sounds French : Globalization, Cultural Communities and Pop Music In France)

    « En général, les Américains considèrent la pop française comme quelque chose d’inauthentique, en tout cas moins que la pop américaine/anglophone. Ça date de nombreuses années, et ce n’est que récemment – avec le succès de Daft Punk, par exemple, même si je ne suis pas certain que les Américains les considèrent comme des artistes français – que la situation a commencé à changer. Personnellement, j’aime beaucoup La Femme, M83, Sébastien Tellier ou Feu! Chatterton. Je pense que ces derniers, avec Frànçois & The Atlas Mountains, proposent un mélange d’influences françaises et anglo-saxonnes assez intéressantes. »

    Si la pop française commence à être prise au sérieux en Amérique, c’est que certains artistes ont eu du succès ici : M83, Phoenix, Daft Punk. Mais ça reste encore très marginal. Désolé de vous l’apprendre, mais les artistes français n’arrivent pas à créer une tendance forte en Amérique, en tout cas nettement moins que la J-Pop ou la K-Pop. Il y a eu un gros enthousiasme dans les années 90 avec la French Touch, mais c’est carrément retombé depuis et le public américain se contente de quelques singles çà et là à présent. »

    « Les Anglais ont toujours considéré les artistes français comme de mauvais crooners. »

    Jeremy Allen (journaliste à Noisey UK)

    « Je crois que les Anglais ont toujours eu un problème avec les langues étrangères, et qu’ils ont toujours considéré les artistes français comme de mauvais crooners ou des one hit wonders pour les vacances. Prenez Alors on danse de Stromae : cette chanson a été numéro un partout dans le monde, mais elle ne s’est classée qu’en 25ème position ici. Et pourtant, Stromae a rempli le Madison Square Garden de New York…

    J’ai moi-même essayé de placer une interview de Christine & The Queens pendant deux ans au sein de mes différents médias, mais sans réussite. Il a fallu qu’elle réenregistre son album en anglais pour qu’elle ait un peu plus de succès et que l’on commence à s’intéresser à elle. C’est triste, mais c’est comme ça. D’autant que j’ai l’impression que la pop française se porte très bien en ce moment, elle pourrait même être l’un des genres musicaux les plus passionnants de ces dernières années. Je ne saurais pas trop l’expliquer, peut-être que ça vient de tous les évènements dramatiques que vous avez connus récemment, mais c’est comme si vous aviez plus que jamais besoin de vous divertir. »

    « En Angleterre les gens qui citent David Guetta ou Daft Punk ne savent même pas qu’ils sont français. »

    David McKenna (journaliste à The Quietus)

    « En Angleterre, je suis toujours surpris de constater à quel point les gens qui citent David Guetta ou Daft Punk ne savent même pas qu’ils sont français… D’ailleurs, il faut bien le reconnaître, la plupart des Anglais ne sont pas au courant de ce qu’il se passe en France, même s’il y a des exceptions comme Christine & The Queens. Cela dit, on est clairement dans une période où l’on revient à écrire des articles pour dire à quel point la pop française est plus cool qu’avant, à l’époque de Johnny Hallyday et de tous ces rockeurs que John Lennon dénigrait. Bon, il y a encore pas mal de clichés dans la façon dont on a l’habitude de parler d’eux. Par exemple, on décrit souvent les Français comme chics, élégants, sexy ou ayant un charme gaulois, même lorsque ces adjectifs sont totalement inappropriés.

    Personnellement, j’apprécie particulièrement une artiste comme Christine & The Queens, j’ai même participé à la mise en place de ses premiers concerts à Londres en 2013. Sa force, après tout, c’est de ne pas chercher à coller absolument aux codes anglo-saxons, contrairement à tous ces groupes qui se disent : « Ok, on a un son et des influences anglaises, allons tenter notre chance au Royaume-Uni. » La plupart du temps, le résultat est désastreux, d’autant que l’Angleterre a toujours eu ce complexe de supériorité sur le reste du monde en termes de musique. On a tendance à ne pas prendre ce qui vient d’ailleurs au sérieux, exception faite des États-Unis. Mais ça commence à changer. Un label comme La Souterraine se fait un petit nom ici, et une nouvelle scène R&B, avec des artistes comme OK Lou ou Bonnie Banane, a le potentiel pour percer ici. »

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