2022 M04 22
L’histoire n’est jamais linéaire. Face à la suprématie sans partage du numérique, le marché physique fait de la résistance. Pour la première fois depuis vingt ans, son chiffre d’affaires a augmenté en 2021. Et pas seulement par rapport à la catastrophique année 2020, mais aussi par rapport à 2018 et 2019. Bien sûr, le principal facteur : la croissance ininterrompue du vinyle depuis désormais plus de dix ans. En France, il représente désormais un tiers du marché physique, tandis qu’il a dépassé les ventes du CD aux États-Unis. Un retour lent, mais solide.
On serait tenté de caricaturer et d’attribuer ce retour à une frange d’anciens résistants à la modernité tant il est vrai que le Disquaire Day, célébrant chaque année cette renaissance avec de nombreuses sorties inédites, peut vite prendre des allures de convention de quadras. Mais les chiffres du SNEP font voir les choses autrement. Non, les jeunes ne sont pas seulement fourrés sur Spotify ou même Fortnite. En 2021 en France, 51% des acheteurs de vinyles avaient moins de 30 ans, un chiffre en progression chaque année. Le retour du vinyle, c’est d’abord eux. Et surtout le chiffre d'affaires des derniers disquaires en vie.
Les jeunes artistes sont également moteurs de ce retour. Parmi les cinq meilleurs vendeurs de vinyles de 2021, on retrouve certes Fleetwood Mac, mais surtout Billie Eilish et Olivia Rodrigo, dont l’âge cumulé n’atteint même pas 40 ans. Côté industrie, il suffit de regarder les marges souvent affolantes sur ces disques pour comprendre leur intérêt. Mais pourquoi un jeune délaisserait-il sa plateforme de streaming qu’il connaît par cœur pour s’embêter avec un vinyle ?
Ce sont les jeunes consommateurs qui alimentent
— Le SNEP (@snep) April 21, 2022
tout particulièrement le succès du vinyle: les - de
35 ans sont majoritaires (51%) chez les acheteurs des disque noirs.🙌
Popularité des nouveaux répertoires comme du back catalogue en version vinyle, tous genres musicaux confondus pic.twitter.com/VqVsZ3WtXw
Forcément, plusieurs réponses. Cela peut être pour la pochette, ou juste pour la frime. C’est aussi une manière de concrétiser son amour pour un artiste. On peut même y voir le phénomène classique d’une nostalgie d’une époque que l’on n’a pas connue : face à un monde dur, on préfère vite idéaliser le passé. Le vinyle vient alors apporter une idée d’authenticité accrue (alors qu’on sait bien que tout le monde préférait les cassettes audio). Peut-être aussi certains se laissent-ils convaincre par l’argument d’une meilleure qualité audio, qui tend à devenir moins recevable à mesure que le streaming va vers le hi-fi.
Plus globalement, il s’agit d’un retour à une forme de matérialité face à un streaming souvent désincarné. Plutôt qu’une réaction, il s’agit d’une revalorisation de l’acte d’écoute. Le rituel vu comme lourd du vinyle, à retourner pour chaque face, vient en réalité donner du poids à l’écoute. On sort du flux algorithmique pour vivre un véritable moment musical. Dans cette quête d’une écoute plus concrète, il semble alors que le vinyle apparaisse comme le support physique ultime. C’est ce qu’ont bien compris les disquaires, qui misent sur cette plus-value pour attirer de jeunes clients. Plus qu’une époque, le vinyle cristallise un type d’écoute, et avec elle, une certaine idée de la résistance.
Pour tout savoir sur le Disquaire Day 2022, c'est par là.