Le public des concerts vit particulièrement mal la pandémie, selon une enquête

Le 10 mars, l’institut de sondage GECE publiait le résultat d’une enquête auprès de 10 000 Français sur leur moral. On y apprend, sans surprise, que le moral général a nettement baissé, mais aussi que c'est encore plus marqué chez les habitués des salles de spectacles.
  • La situation est difficile pour tout le monde. Pas besoin d’être sorcier pour le deviner. Mais pouvoir mettre des chiffres sur un problème permet d’y voir plus clair. Pour cela, l’institut de sondage GECE a réalisé en janvier une grande enquête auprès de 10 000 personnes vivant en France. On y apprend notamment que 31 % des répondants déclarent avoir « un mauvais moral ». Soit trois fois plus qu’au début de 2020. Plus encore, 40 % d’entre eux estiment que leur moral a baissé.

    Parmi les critères pouvant expliquer ce résultat malheureusement sans surprise, la fermeture des lieux culturels y joue pour beaucoup. 71 % des questionnés se disent impactés par la fermeture des cinémas, tandis que celle des lieux de spectacles en touche 57 %, particulièrement parmi les jeunes et les habitants de grandes villes. Plus intéressant encore, on lit noir sur blanc dans le résultat de l’enquête : « Ceux qui ont fréquenté des lieux culturels lors des 2 dernières années ont plus que les autres le moral qui a baissé. […] Dans le même sens, les Français touchés par la fermeture des différents lieux culturels ont aussi plus souvent vu leur moral baisser. »

    Là encore, pas de grande révélation : plus on allait aux concerts, plus leur absence s’est faite ressentir. Ainsi, 47 % des personnes étant allées à un concert dans les deux dernières années a vu son moral baisser, contre 36 % pour ceux dont ce n’est pas le cas. Les chiffres sont relativement similaires pour le théâtre ou les musées. Et plus l’activité culturelle était intense, plus le moral est réduit. Voilà qui confirme l’urgence de la situation.

    D’autant qu’une autre enquête, parue le 12 mars, vient confirmer cette urgence. Elle vient de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), rattachée au Ministère des Solidarités et de la Santé. Cette fois, on apprend que les syndrômes dépressifs ont augmenté partout en France, après le premier confinement. Mais cette hausse est particulièrement alarmante chez les jeunes de 15 à 24 ans : en 2019, 10,5 % d’entre eux étaient touchés. Ils sont désormais 22 %. En 2014, le chiffre était de 5 %. La hausse est globalement significative entre 15 et 44 ans. Les jeunes femmes sont particulièrement touchées, et 11,6 % d’entre elles présentent même des « syndrômes dépressifs majeurs ». Difficile d’affirmer qu’une réouverture des lieux culturels viendrait miraculeusement inverser la tendance. Mais peut-être viendrait-elle amener un peu d’air.

    En revanche, il n’y a pas (encore) de données chiffrées sur les premiers concernés par les fermetures : les artistes et les intermittents du spectacle. Là-dessus, les données venues de l’Angleterre pourraient nous éclairer. Selon l’association caritative Help Musicians, 87 % des musiciens britanniques ont vu leur santé mentale impactée durant l’année écoulée. 96 % sont inquiets pour leurs revenus, et le quart d’entre eux envisage carrément d’abandonner définitivement la musique. Certes, la situation outre-manche est encore plus dramatique qu’en France : les aides y sont bien plus réduites et les nombreuses inquiétudes autour du Brexit viennent enfoncer le clou. Mais les nombreuses occupations de théâtres partout en France (dans 24 villes, aux dernières nouvelles) semblent montrer la tendance. Les blessures sont profondes, et la première urgence sera de les guérir. En attendant, le meilleur (et seul) remède qu'on a, c'est peut-être les reprises de Robert Fripp de King Crimson dans sa cuisine.