2017 M10 18
“Où est passé ton bonheur ?” interroge Témé Tan sur Ça va pas la tête, tube zouk pour la génération connectée. Peut-être sur son premier album, a-t-on envie de répondre. Natif du Congo et basé à Bruxelles, Témé Tan alias Tanguy Haesevoets compose sur la route, du Guatemala au Japon, en passant par la Guinée. Il embarque dans son baluchon tous les genres musicaux qui lui donnent un sourire digne d’une version solaire de Bob Dylan. Témé Tan est l’homme-orchestre dont la formule afro-pop et électro est un cocon remuant pour son verbe malicieux digne du MC Solaar d’antan. Jack a voulu se glisser dans ses bagages.
Quel est le premier instrument que tu as glissé dans ta valise ?
Je considère que c’est la voix, travaillée en chantant sur mes disques préférés, Michael Jackson, « Prose combat » de MC Solaar, les Beastie Boys. Ensuite j’ai commencé à m’intéresser à la guitare car j’étais un fan de musique brésilienne, de tropicalia, de bossa nova, puis sont venus les samplers. Enfin, suite à un voyage en Amérique latine, je me suis initié aux percussions.
Tu embarques beaucoup de genres différents dans le même bagage, comment tout faire rentrer ?
Je parle cinq langues différentes, le flamand, l’anglais, l’espagnol, le portugais du Brésil et le français. Cela influe sur ma manière de parler français car certains concepts qui n’existent pas dans cette langue aromatisent ma manière d’écrire. Par exemple sur le morceau Matiti, plusieurs mots sont en lingala. Ce n’est pas pour faire cool mais parce qu’ils font partie de moi. Par exemple miyoyo ça veut dire la morve, les crottes de nez, et je l’ai longtemps utilisé en pensant que ça se disait de la même façon en français.
Tes clips font office de cartes postales…
Le premier clip que j’ai dessiné c’est Améthys, en Belgique. Puis Ça va pas la tête a été tourné en Guinée Conacry où j’étais au moment du virus Ebola. Mes proches s’inquiétaient pour moi et j’avais vraiment envie de leur montrer que ce n’était pas devenu un pays de zombie avec des gens qui crachent du sang dans la rue, mais que c’est un pays magnifique et que la vie continuait. Puis les oiseaux des îles Canaries dans une maison où devaient me rejoindre des amis mais où je me suis finalement retrouvé tout seul. Le clip de Coup de griffe, j’avais envie de ramener la beauté des paysages tellement ils étaient magnifiques.
Gardes-tu sous le coude des carnets de route d’autres artistes ?
J’aime bien l’émission Nus et Culottés mais aussi Pierre Barouh, qui a vraiment bourlingué, c’était l’un des premiers artistes français à partir au Brésil, au Japon.
Comment s’y retrouver dans toute la faune qui règne sur ton album ?
Les morceaux sont à chaque fois une capsule dans le temps et l’espace et ça me paraît logique que les animaux s’y retrouvent. Je prends beaucoup de plaisir à prononcer les mots tigre, éléphant, chimpanzé, crocodile. Chez moi j’ai beaucoup de statuettes d’animaux aussi.
Les clips, les chansons, c’est ma manière de raconter mes voyages.
Cela contribue au côté enfantin de ton album…
Du côté de ma famille congolaise, j’ai des oncles, des cousins qui sont de très grands conteurs. Moi, je ne me suis jamais considéré comme un bon raconteur d’histoires. Quand je rentre de voyage et qu’on me demande comment c’était, je réponds juste : “C’était cool.” Alors ces clips, ces chansons, c’est ma manière de raconter ces voyages.
Quel est le recoin caché de cet album, son double fond…
Matiti au milieu de l’album est une petite porte vers quelque chose de très personnel, mon douloureux départ du Congo… C’est le cas aussi de Tatou Kité. Ouvrir la cage est dans un emballage plus club et dansant pour me donner l’énergie de parler d’un réel dégoût de choses qui font partie de notre quotidien mais dont on a l’impression qu’on ne peut rien faire, en particulier quand on regarde le journal télévisé. J’ai hésité à en parler car j’ai parfois l’impression que la musique est mieux vécue par le public quand elle évoque des sujets plus légers.
Le premier album de Témé Tan vient de sortir chez Pias.