Qui es-tu YellowStraps, toi la nouvelle sensation venue de Bruxelles ?

À la base, YellowStraps est un duo. Celui formé par les frères Murenzi, Yvan et Alban. Après avoir passé toutes leurs classes musicales ensemble, façonné une identité propre et joué un rôle dans cette révolution sonore issue de Bruxelles, Yvan, l’aîné, a pris seul les commandes du groupe. Enfin, pas tout à fait. Pour la sortie de son premier album « TENTACLE » à prévoir le 27 janvier, l’ombre de son cadet n’est jamais très loin.
  • Monter un groupe de musique quand on est frères est une chose spéciale. Nous avons eu des exemples où, dès le départ, l’affaire s’annonçait compliquée. À l’inverse, pour la fratrie Murenzi, les débuts se sont faits en douceur, avec même une complicité certaine. Pendant 10 ans, Yvan l’aîné et Alban le cadet vont jouer ensemble sur scène et en dehors, créer un son et un style qui leur ressemble, sortir des disques. Une décennie qui s’est soldée par les réflexions que le Covid a imposées, et notamment cette question centrale : la musique peut-elle toujours être une passion lorsqu’elle devient un métier ? Pour Alban, la réponse a été non. Il a donc préféré laisser à son frère la barre du navire YellowStraps, sans le quitter pour autant.

    En même temps, tirer un trait indélébile sur une dizaine d’années de sa vie, encore plus quand il n’y a pas d’embrouille façon frères Davies, ça ne doit pas être facile. D’autant plus que c’est ensemble que les Murenzi ont eu l’idée de se lancer. « Pendant longtemps on a repris des chansons, mais le déclic a retenti quand on fait notre première composition ; débute Yvan. Alban a appris la guitare et me l’a enseigné ensuite, puis, quand on commençait à bien se débrouiller, on s’est dit qu’on allait créer nos propres mélodies. Mais tout a changé lorsqu’on a découvert King Krule, en 2011. » À l’écoute des morceaux de l’Anglais, les Belges ont une révélation. Si lui se permet de jouer avec les sons et les genres comme ça, alors pourquoi pas eux ?

    Inspirés par les fusions de leur homologue britannique, les deux frères n’ont plus de raison de retenir les singles originaux qu’ils composent. Il ne leur faut d’ailleurs qu’une poignée de chansons, dont Landscapes, pour que la paire se retrouve dans les petits papiers du Red Bull Elektropedia Awards.

    En 2014, ils remportent le prix « Most Promising Artist ». « Ça a eu un impact direct sur nous ; reprend Yvan. Cette récompense a confirmé que ce qu’on faisait était et pouvait être apprécié par plus de gens que les potes et la famille. On a gagné en confiance. » Suffisamment, pour que le duo sorte un premier EP, « Whirlwind Romance » (2015), et prenne part sans complexe à la révolution musicale qui débutait à Bruxelles. Celle qui amènerait plus tard, Damso, L’Or du Commun, Roméo Elvis et sa sœur Angèle sur le devant de la scène francophone. 

    Confortablement installés aux côtés des artistes qui clameront bientôt que Bruxelles arrive, Alban et Yvan font la connaissance de Fabien Leclercq alias Le Motel. Un DJ qui opère dans le clair/obscur, qui a façonné le son de plusieurs collègues musiciens. YellowStraps se met logiquement à bosser avec lui. À son propos, Yvan est sans appel :

    « Travailler avec lui a eu l’un des plus gros impacts sur nos compos. À ce moment, on ne touchait pas du tout à ce qui concernait la musique électronique et les logiciels. On était vraiment dans un truc acoustique : guitare/voix principalement avec de temps en temps un batteur. Le déblocage de cette partie “production” nous a beaucoup aidés et Alban s’est lancé dedans. On a pu explorer plein de nouvelles sonorités. »

    Avec Le Motel, les frères confectionnent d’abord le disque « Mellow », paru en octobre 2015. Avec ce qu’ils ont appris du DJ, ils trouvent une ligne musicale à suivre pour leurs prochaines sorties. Surtout, ils entrent dans un univers peuplé d’artistes avec lesquels ils sont peu familier, à l’image de Tom Misch ou J Dilla. En somme, de brillants musiciens qui teintent leurs compositions, parfois de jazz, de R&B, de hip-hop et tout ce qui arrive après. Avec ce procédé maîtrisé, YellowStraps envoie l’EP « Blame » (2018), un projet court sans limites, très inspiré par les solistes cités. Une répétition de qualité, avant une suite programmée.

    Alors que les frères Murenzi profitent de ce vent nouveau qui caresse leur ego, ils s’apprêtent à vivre le moment le plus fort de leur parcours. Invités chez Colors pour donner à leur tour une session, ils choisissent d’offrir au studio allemand une Rose, premier single d’un futur disque. « On voyait les potes — Roméo Elvis, L’Or du Commun, Angèle — qui commençaient à devenir de plus en plus chauds ; se remémore Yvan. Alors on s’est dit que si on charbonnait de ouf aussi, on pourrait passer un cap. Puis, la Colors est arrivée quelques mois plus tard. Ça a clairement été un tournant. » Et pour ne pas rater le coche, quoi de mieux que de sortir un nouvel EP (aux allures d’album) ? « Goldress » pointe le bout de son nez courant 2020.

    Avec ce disque, YellowStraps semble enfin s’émanciper de cette scène bruxelloise très marquée rap. Cette volonté a été centrale au moment de la réalisation de « Goldress ». Plus encore, elle est une prise de position qui affirme l’univers des deux frères : plus jazz et concrètement plus musical. Pari réussi, et cela se vérifie par les propositions de live qui commencent à se multiplier. Mais à peine le temps de profiter de ce plongeon dans le grand bain que… le monde coule avec la pandémie. Plutôt que de la subir, ils agissent en s’engouffrant dans une boulimie de pure création. Pendant 2 mois et demi, la paire envoie chaque jour une nouvelle chanson. Mis bout à bout, ces morceaux forment la tape « Yellockdown Project ».

    Encore une fois, un petit succès couronne ce disque. Les deux artistes se déconfinent, mais les à-côtés d’une confection d’album viennent ternir l’horizon radieux qui semble finalement s’ouvrir à eux. Au moins pour Alban, qui décide de s’éloigner du projet. La pochette où l’on voit les deux frères, chacun à l’extrémité d’un canapé, était-elle annonciatrice ? Yvan raconte :

    « On a vraiment beaucoup trimé pendant cette période. Un travail sain : on faisait une chanson, on la sortait et c’est tout. Mais à la longue, on a réalisé qu’on pouvait pousser le projet. On a donc fait des lives, de la promo… en somme, tous les autres trucs en dehors de la musique. C’est là qu’Alban s’est rendu compte que la musique n’était plus un hobby, mais un métier. Il ne s’est pas reconnu et a choisi de prendre du recul. »

    De là, Yvan décide de continuer YellowStraps en solo. Enfin, pas vraiment. Pour son « premier » album à paraître le 27 janvier, « TENTACLE », la patte de son frère est encore bien présente. On la retrouve notamment sur le single MERCI, enregistré avec Roméo Elvis et Swing pour lequel il a composé la production. Un bel hommage à toutes les années passées à faire du son ensemble.

    En dehors de ça, ce disque à venir ressemble vraiment à Yvan. Bien décidé à encore plus flouer les barrières entre les genres, et sans doute parce qu’il a finalement digéré la musique de King Krule, les chansons renferment des mélodies toujours plus hybrides et empruntent leur ADN au rock — son style de jeunesse —, à la nu soul, au R&B, au jazz, à un rap plus harmonieux aussi. Autant de sonorités, qu’une narration inspirée par l’amour avec un grand A vient compléter. Sans avoir « trahi l’identité YellowStraps », le nouveau capitaine du navire a réussi à apporter un « changement ». Une aubaine pour lui, puisqu’avec « TENTACLE », il a finalement créé cet objet qui représente exactement ce qu’il voulait.

    « TENTACLE » sera disponible le 27 janvier. YellowStraps sera en concert au Point Ephémère (Paris) le 16 février, ainsi qu’à L’Ancienne Belgique (Bruxelles) le 9 février.

    Crédit photo en une : Emilien Itim

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