Comment Alpha Wann est devenu indispensable au rap français ?

Que penser d'un homme dont tout le monde avait vu le destin bien avant lui-même ? Première option : qu'il est un peu lent à la détente. Deuxième option : qu'il a volontairement pris le temps de peaufiner son style, à l'abri des regards, avant de publier son premier album (ce qui explique les trois EP's avant la sortie de « Une main lave l'autre » en 2018). Troisième option : qu'il a attendu que l'époque lui ouvre des portes, tout simplement.

Concernant Alpha Wann, les deux dernières possibilités sont clairement à privilégier. Elles sont mêmes confirmées par tout ce qui se passe autour de lui depuis quelques années. La « Don Dada Mixtape » a été un vrai succès public (certifiée Disque d'or), sa technique est saluée par tous les rappeurs en interview (« Quand je juge mes rimes, je réfléchis comme si c’était Alpha Wann qui m’écoutait », disait PLK au Mouv), tandis que ses contemporains ne cessent de l'inviter à performer à leurs côtés.

Les faits ne mentent pas : après plusieurs années à évoluer dans l'ombre, Alpha Wann est aujourd'hui sursollicité. Mieux : les rappeurs clippent presque systématiquement leur duo avec le Philly Flingo, quitte à faire de cette collaboration le premier ou le deuxième single de leur projet. Cette semaine, deux artistes opèrent selon la même méthode (KR Malsain avec Double dose, et Lesram qui, avec Rotation, a confirmé la présence du boss de Don Dada sur sa mixtape « Wesh enfoiré »), venant ainsi compléter une liste enrichie chaque jour un peu plus : Phoenix de Norsacce, Mannequin de K.S.A., Immunité diplomatique de Deen Burbigo, Panorama de Jazzy Bazz, Stuntmen de Laylow ou encore 20.000 d'Edge et Clean Sheet de 88KVLY.

Si tous ces featurings pêchent parfois par déséquilibre (c'est qu'il n'est pas toujours aisé de tenir le niveau affiché par le rappeur du 14e arrondissement...), ils ont le mérite de souligner plusieurs vérités : le regain d'intérêt d'un format purement rap, où les artistes étalent autant leur technique qu'ils réhabilitent des éléments que l'on pensait disparus (le troisième couplet ou les passe-passe, par exemple) ; la cote de popularité d'Alpha Wann, visiblement à l'aise sur différents types d'instrus ; mais aussi son état de forme. Celui d'un artiste qui, à défaut d'être « le dernier rappeur qui rappe », a le mérite de tirer la scène française vers le haut tout en rappelant qu'il est nécessaire de faire les choses à sa façon, solide sur ses acquis. « On n’a pas explosé en retard, on est juste à des lumières ».