2019 M10 3
Marquer l'époque. Derrière le titre de cet article, un peu putassier on l’avoue, une vérité : oui, Alpha Wann est possiblement le MC le plus technique de France. « J’suis l’dernier rappeur qui rappe », flambe-t-il d’ailleurs sur Cascade (Remix). Une simple phrase censée flatter l'ego ? Sans doute un peu, oui. Mais c’est le jeu.
Et puis il faut bien admettre que Philly Flingue ne fait pas « du rap qui se chante sous la douche » : ici, pas d’Auto-Tune, de refrains chantonnés ou d’inclinaisons pop. Simplement des références pointues (à Fabe, à Dany Dan, à Ärsenik, etc.), un flow flamboyant d’inventivité, une indépendance d’esprit (« Pourquoi les artistes deviennent nuls quand ils deviennent riches ? ») et une volonté de faire de son premier album, « Une main lave l’autre », un chef-d’œuvre indépassable. « Très peu probable que je fasse un platine, faut que je fasse un classique », clame-il, lucide.
Alpha et excellence, ça va ensemble. En clair, Alpha Wann prouve actuellement qu'il existe une autre voie au sein du rap français que celle des tubes radiophoniques, des beats trap et de la course incessante aux records de streams.
« Une main lave l’autre », par exemple, affiche des scores de vente très éloignés des albums de Niska, Damso, Orelsan ou de ces dizaines de rappeurs habitués des Disques d’or. Ça n’en reste pas moins un long-format qui a d’ores et déjà marqué son époque, qui a impressionné le public et la critique par ce verbe riche ou ces « rimes à 10 000 syllabes », et qui permet à Alpha Wann de faire sold out un peu partout en France. Ce n'est pas rien.
Old school is the new school. Il y a une semaine, le Parisien dévoilait un nouvel EP (« PPP ») et une session "Colors". Là encore, une confirmation : chaque rime transpire la minutie d'un rappeur qui n'aime visiblement rien faire comme les autres, ni bâcler son travail. Et qui séduit par des confessions qui heurtent l'intime : la lose de l’adolescence (Pour celles), les regrets (Fugees), les peines de cœur et la mélancolie d'une vie où l'on voit « plus d'enterrements que de naissances » (Une main lave l’autre).
Le tout porté par des productions sur-mesure signées Hologram Lo', Seezy ou VM The Don, celles qui empêchent Alpha Wann d'être considéré comme un rappeur old school. Simplement un artiste qui avance avec son crew (Don Dada Records), fait de chacune de ses apparitions (aux côtés de Nekfeu ou Nemir dernièrement) un évènement à-même de ravir les puristes et qui refuse de faire des concessions au temps et aux tendances.