2023 M07 19
Lana Del Rey – "Did You Know That There's a Tunnel Under Ocean Blvd"
Incroyable trajectoire que celle d'Elizabeth Woolridge Grant. Un peu plus de dix ans après son apparition tumultueuse sur les radars, elle est désormais considérée à juste titre comme l'une des artistes les plus brillantes et influentes de sa génération. Et ce n'est pas avec son neuvième album que ce statut sera remis en question.
À 37 ans, Lana Del Rey fait absolument ce qu'elle veut sur ce disque à rallonge qui part dans tous les sens et envoie balader les dictats mélodiques pour mieux se lancer dans des épopées sonores insensées où sa voix susurrée est plus maitrisée que jamais. Un album aussi indéchiffrable que fascinant, qui confirme que l'on n'a pas fini de se presser pour se perdre dans le labyrinthe des pensées de Lana Del Rey.
Zaho de Sagazan – "La Symphonie des éclairs"
La native de Saint-Nazaire n'a que 23 ans, et tout ou presque a déjà été écrit sur son ascension spectaculaire. En seulement quelques mois, Zaho de Sagazan a mis la France a ses pieds en relevant nettement le degré d'exigence de la musique hexagonale.
Avec ses textes à fleur de peau et ciselés au millimètre qui chantent un idéal d'amour absolu sur des ambiances synthétiques crépusculaires, elle a ressuscité le fantôme de Christophe tout en imposant immédiatement un univers très personnel qui pourrait vite faire d'elle l'une des grandes voix de sa génération. On ne sait pas si elle en a envie, mais comme le rappelle la pochette de son premier album, le costume n'est assurément pas trop grand pour elle.
Blondshell – "Blondshell"
Après des débuts insatisfaisants – de son propre aveu – dans la jungle de la pop, Sabrina Teitelbaum a déjà réussi à métamorphoser sa carrière avec brio. À seulement 25 ans, elle vient de sortir sous son nouveau pseudo un album de rock 90’s qui n’a rien d’un pastiche ou d’un exercice de style.
Le secret ? Un songwriting très singulier qui la voit chanter avec une voix à la fois furieuse et subtile les affres des jeunes femmes d’aujourd’hui. Influencée par le meilleur des années 1990, quasiment à équidistance entre la Britpop et le grunge, Blondshell vient de composer la bande-son écorchée d’une génération qui a la rage, à tel point qu’on la jurerait sortie d’un épisode de Yellowjackets. Et c’est évidemment un compliment.
Caroline Polachek – "Desire, I Want To Turn Into You"
C’est peu dire que ce deuxième album de Caroline Polachek sous son propre nom était attendu de pied ferme. Depuis la sortie à l’été 2021 de l’ovni Bunny Is a Rider en guise de premier single, les fans guettaient les moindre indices mystérieux laissés ici et là par l’ancienne moitié de Chairlift.
À raison : la nouvelle coqueluche de la pop racée confirme son changement de dimension avec ce disque foufou, cocktail de mille influences et instruments, où l’on entend tout et son contraire mais surtout de grandes chansons écrites par une songwriteuse dont on s’arrache les talents.
Sans cesse comparée à ses glorieuses ancêtres, Caroline Polachek n’a plus besoin de ces références : elle plane désormais très haut au-dessus de tout le monde, dans sa propre stratosphère.
Jessie Ware – "That! Feels Good!"
Depuis la sortie en 2020 d’un quatrième album impressionnant – "What’s Your Pleasure?" – la sosie officielle de l’actrice Gemma Arterton est devenue la nouvelle reine du disco. Une transformation inattendue qu’elle confirme sur ce "That! Feels Good!" encore meilleur, et qui a tout d’un classique de la fin des années 1970.
Remarquablement co-produit par James Ford (Arctic Monkeys), cet album hors du temps emprunte plus largement aux musiques noires – à qui il rend brillamment hommage –, et donne comme son prédécesseur irrésistiblement envie de se déhancher jusqu’à l’aube comme si demain n’existait pas. Jessie Ware est une des artistes les plus exaltantes des années post-Covid, et il serait grand temps que la France le réalise.
Boygenius – "The Record"
Que se passe-t-il quand trois des songwriteuses les plus douées de leur génération décident de s’associer pour ressusciter le concept honni de supergroupe ? Un petit miracle, tout simplement.
En un album, Julien Baker, Phoebe Bridgers et Lucy Dacus se réapproprient tous les clichés de l’histoire du rock écrite par des hommes, pour mieux les détourner et les mettre au service de chansons qui transpercent le cœur.
"The Record" est la meilleure publicité pour la sororité, et la preuve qu’en 2023, le classic rock peut encore être d’actualité. Il "suffit" d’avoir l’humour et le talent de ces trois-là, mais ce n’est pas donné à tout le monde.