2021 M09 2
On a voulu y croire. Mais dès le printemps, les mauvaises nouvelles se sont enchaînées : Hellfest, Eurockéennes, Solidays, Rock En Seine, Main Square, ou même Dour en Belgique, beaucoup de très gros noms, mais aussi de plus petits, ont préféré d’emblée jeter l’éponge. D’autres en revanche ont proposé des ajustements, des jauges réduites. Ceux-ci ont dû jouer avec un protocole gouvernemental sans cesse fluctuant. En février, Roselyne Bachelot annonçait que tous les festivals devraient se tenir assis, avec 5000 personnes maximum. Finalement, début mai, les concerts debout sont autorisés, mais en respectant une règle intenable et floue d’un espace de 4m² autour de chaque spectateur.
Puis le 21 juin, c’est le coup de théâtre : toutes les règles précédentes sont jetées à la poubelle. Désormais, tout repose sur la présentation d’un pass sanitaire pour tout événement de plus de 1000 personnes. Dès le 1er juillet, les concerts debout sont donc réautorisés, avec une jauge de 75 % en intérieur et 100 % en extérieur. Enfin, alors que la saison des festivals avait déjà démarré, le coup final est apporté le 12 juillet avec l’extension du pass sanitaire : finalement, tout le monde devra s’y plier, quelle que soit la taille.
Covid-19 et festivals : "Pour nous, ce pass sanitaire reste une obligation vaccinale déguisée", dénonce le président du syndicat des musiques actuelles https://t.co/LaBlxMU8Yo via @franceinfo
— Philippe Astor (@makno) August 25, 2021
En clair : au moment où le pass sanitaire arrive enfin sur la table, organisateurs comme public sont dans une grande confusion. Ceux qui s’étaient adaptés à un premier protocole doivent à nouveau changer en urgence. Mais l’optimisme reste présent, et plusieurs grands noms maintiennent leur édition 2021 : les Francofolies, les Vieilles Charrues, la Route du Rock (dans une édition mini), les Nuits de Fourvière, Cabaret Vert, le festival de Poupet, et d’autres encore, toujours dans une version largement revue à la baisse, tant sur les jauges que la programmation. Mais parmi eux, certains souffrent du pass sanitaire : face à des ventes paralysées, We Love Green annule son événement le 19 août, moins d’un mois avant la date prévue. Quelques semaines auparavant, c’est le festival Papillons de Nuit qui raccrochait les gants.
Il n’y aura pas de We Love Green 2021 😥 D’un point de vue artistique, sanitaire, administratif et financier, les conditions ne sont plus réunies pour produire sereinement un festival aussi ambitieux que nous l’avions travaillé 💔
— WE LOVE GREEN (@WeLoveGreen) August 19, 2021
Toutes les infos ici 👇https://t.co/qfNPcjGcXk pic.twitter.com/UIM0ghHPrE
Quant à ceux qui ont tenu coûte que coûte, ils ont également constaté les effets négatifs de ce pass sur leurs ventes. Pourtant, la promesse de ce document se voulait positive : grâce à lui, les festivaliers peuvent se tenir debout et sans masque. Mais au mois de juillet, même ceux qui le souhaitaient n’avait pas encore tous eus l’occasion de se vacciner, et le test reste très contraignant. Plus largement, avec une épidémie loin de se calmer à cause du variant Delta, et des annonces évoluant sans cesse, on peut comprendre la frilosité du public. Peut-être aussi ont-ils été lassés par une programmation qui, fatalement, a eu tendance à s’uniformiser d’un festival à l’autre : malgré les annulations, des artistes comme Ibrahim Maalouf ou Thomas Dutronc jouaient plus de 30 fois.
Pour les organisateurs, l’adaptation incessante à des règles en mouvement est éprouvante. D’autant que les annulations ont un effet boule de neige : elles peuvent pousser un artiste à annuler toute sa tournée, et il faut donc le remplacer dans le festival qui s’est maintenu. Le directeur des Francofolies peine à comprendre, comme il l’explique à France Info : « Il y a une campagne de communication à faire, moi je l'appelle le pass salutaire. Alors que tout le monde réclamait le retour des festivals, jamais je n'aurais imaginé que ce pass sanitaire soit un frein, surtout que maintenant on peut être debout, tous les éléments sont là pour la fête ».
Ainsi, la plupart des festivals ont eu du mal à faire complet. Les Nuits de Fourvière n’ont rempli qu’une seule de leurs soirées. Pour les Vieilles Charrues, seules 30 000 places sur les 50 000 mises en vente ont été vendues, alors que 270 000 personnes s’y étaient rendues en 2019. Même chose pour les Francofolies, où la jauge de 5000 personne n’ont pas été remplies, ou encore à Cabaret Vert, avec 22 000 personnes pour 28 000 places. Pourtant, les organisateurs refusent d’y voir un échec. Avec ses 7000 fidèles, répartis dans une version itinérante, la Route du Rock était cette année bien plus modeste, mais son directeur Thomas Maindron n’y voit « que du positif », comme il l’explique au journal local Le Pays Malouin, tout en précisant que cela aurait été impossible sans le soutien de l’État et des collectivités territoriales. Même son de cloche pour le directeur du festival de Poupet chez Ouest France : « on a tout gagné, parce qu’on a existé ».
Le @FestivalPoupet en #Vendee a attiré 44 000 festivaliers : " C'était des retrouvailles réussies" pour les organisateurs 🎤🎉https://t.co/LyVpVdIqba
— Ouest-France 85 (@OuestFrance85) July 19, 2021
En plus de son impact sur la fréquentation, le pass sanitaire a aussi engendré des frais supplémentaires. Le festival de Carcassonne, par exemple, a dû embaucher 23 personnes de plus, et mettre en place une énorme logisitique pour permettre de se faire tester à l’entrée, ce qui concernait au final 20 % du public. Et pourtant, l’ambiance restait ternie : entre 20 et 30 % des places pourtant réservées sont restées vides.
Mais au-delà de ces grands noms, qui peuvent négocier des soutiens publics importants, les plus petits festivals sont les plus touchés. D’autant qu’accueillant moins de 1000 personnes, ils pensaient échapper au pass sanitaire. « Les festivals de moins de 1000 personnes, qui ont finalement dû se soumettre au pass sanitaire, ont vu les ventes de billets s'arrêter net » explique à France Info Laurent Decès, directeur de la salle parisienne Petit Bain et président du syndicat des musiques actuelles. Dans la Sarthe, par exemple, le festival La Bonn’Zik se tenait chaque vendredi. Dès l’instauration du pass, il a vu sa fréquentation passer de 400 à 200 personnes. Entraînant un risque financier accru.
Difficile, pour l’heure, de tirer un véritable bilan du pass sanitaire, au vu des très nombreux facteurs qui rentrent en compte. Au fond, qui sait ce qui aurait pu exister sans sa mise en place : peut-être en serions-nous encore à des concerts assis. Pour autant, son impact négatif reste indéniable. Plus largement, il n’a pas tenu sa principale promesse : rassurer le public. Peut-être même a-t-il engendré encore plus de confusion. Désormais, ne reste plus qu’à voir à quoi ressemblera 2022, maintenant que beaucoup de festivals semblent avoir tenu le choc. Mais même s’ils survivent, quand les reverra-t-on à leur niveau d’avant la crise ?