2021 M05 19
À chacun son épiphanie. Pour certains, comme Noel Gallagher, la vie prend sens à l'écoute des Stone Roses en plein cœur des années 80. Pour d'autres, comme Michael Eavis, tout a changé après avoir assisté à un concert en plein air de Led Zeppelin. Dans la foulée, l'Anglais a l'idée de créer son propre festival. On est alors en 1970. Celui-ci ne s'appelle pas encore Glastonbury mais Pilton Pop, Folk & Blues Festival, et déjà les contraintes économiques et organisationelles d'un tel projet apparaissent.
En clair, Michael Eavis apprend à gérer l'imprévu : le désistement en dernière minute des Kinks, pourtant annoncés en tête d'affiche, la programmation en urgence de T.Rex et l'accueil d'environ 1500 spectateurs attirés par un évènement dont le prix d'entrée paraît bien dérisoire (1£, contre 250£ aujourd'hui).
Dès l'édition suivante, l'idée est de faire mieux. En juin 1971, le Glastonbury Free Festival (un autre nom provisoire), devenu gratuit grâce au soutien de nombreux sponsors, convie ainsi David Bowie à jouer plus de 5 heures sur la nouvelle et désormais culte Pyramid Stage (aujourd’hui, celle-ci mesure plus de 30 mètres de haut et a été créée à partir de 4 kilomètres de tuyaux en acier). Reste que si le festival accueille alors un certain nombre de « hippies branchés », selon les mots de Michael Eavis, il ne parvient pas à se stabiliser : les années 1970 sont compliquées, les éditions se tiennent de façon sporadique, toujours dans la ferme de Michael Eavis, avant que ce dernier, en 1979, ne décide de l’hypothéquer en échange de 15 000 £. Une somme suffisamment élevée pour relancer le projet et changer de dimension.
Dès 1982, Glastonbury prend une ampleur nationale : la programmation s'étoffe, 60 000 personnes se réunissent, tandis que Margaret Tatcher, visiblement hostile à la tenue d'un tel évènement, fait bien involontairement la publicité de ce nouveau rendez-vous désormais incontournable.
Parmi les moments mythiques, il y a notamment ce concert de Fela Kuti donné en 1984 (et considéré comme l'un des 50 plus grandes performances live par le Rolling Stone) ; cette pluie diluvienne qui, l'année d'après, oblige les festivaliers à danser dans la boue et la bouse de vache ; la programmation sur la NME Stage (renommée Other Stage en 1997) d'Orbital qui, en 1994, fait entrer les musiques électroniques au sein du line-up ; cette édition de 1994 qui réunit le gratin de la Britpop (Radiohead, Blur, Oasis, Pulp) ; ou encore ce concert donné par Jay-Z en 2008, reprenant Wonderwall en ouverture de son set, comme pour titiller un Noel Gallagher qui s'offusquait de voir Glastonbury accueillir un rappeur en tête d'affiche.
En cinq décennies d'existence, Glasbonbury a également connu son lot d'évènements malheureux. Emily Eavis, la fille de qui vous savez, désormais co-organisatrice du festival, cite souvent cette édition de 1990, lorsque des gens du voyage ont provoqué une émeute et lancé des cocktails Molotov. « Des gens passaient devant la fenêtre avec des cocktails Molotov, brûlant des poteaux télégraphiques et faisant exploser des Land Rovers. Le fait que nous soyons toujours là est miraculeux », raconte-t-elle au Guardian.
Comme souvent dans une histoire d'amour, même longue de plusieurs décennies, ce sont toutefois les bons souvenirs que l'on préfère garder en mémoire. Cette chanson inédite que U2 avait composé spécialement pour Glastonbury, avant que le groupe ne soit contraint d'annuler suite à un mal de dos de Bono ; ce concert qui réunissait Blur pour la première fois en 2004 ; ce concert surprise donné par Radiohead en 2010 ; cette prise de parole sur la Pyramid Stage de Jeremy Corbyn, le leader du parti travailliste, confirmant l’ancrage politique de Glastonbury ; cette volonté d’interdire les bouteilles en plastique afin de rendre l’événement éco-responsable ; cette tradition qui veut que, tous les cinq ans, le festival n'ait pas lieu afin de faire respirer la terre.
C'est que Glastonbury accueille aujourd'hui plus de 200 000 personnes le temps d'un week-end. C'est beaucoup, c'est finalement logiquement quand on connaît la qualité de la programmation à chaque édition, ça ne fait que renforcer le lien entre le public et les artistes (la performance de Dave en 2019 en atteste) et ça donne envie de goûter (à nouveau) à cette aventure en 2022.
Pour voir un aperçu du livestream prévu le 22 mai, avec Damon Albarn, Coldplay, Jorja Smith ou encore Idles, c'est ci-dessous. Quant à la billetterie, elle se trouve sur CANAL+ et CANAL VOD.