2022 M11 30
Entre la sortie de son dernier EP et un shooting pour la couverture d'un nouveau magazine rap (Mosaïque), entre des journées promotionnelles à Paris et son quotidien à Bordeaux (d'où ce chiffre adossé à son pseudo), Babysolo33 n'a plus le temps de grand chose. C'est que ça sa vie un peu changé depuis 2019, année de sortie de « Solo2019 », son premier projet.
À l'époque, il s'agit simplement de se faire plaisir, d'amuser les copines et de narrer ses peines sentimentales sur des mélodies synthétiques. Elle y parlait alors de ses soirées imbibées de Gin, de son Cœurbleu, et c'était prometteur. Pas toujours abouti, mais suffisamment aérien et anxieux pour faire fondre les cœurs de quelques producteurs relativement côtés : Myth Syzer, DJ Weedim, Low Jack (elle figure au casting de la comédie musicale Baiser mortel) et King Doudou.
C'est aux côtés de ce dernier, véritable touche-à-tout de la scène rap français (PNL, Isha, Freeze Corleone, Hyacinthe), que Babysolo33 frappe un grand coup à l'été 2022 : Leçon2Princess, un titre tellement juvénile, excessif et faussement naïf qu'il donne illico envie de redevenir adolescent, de se faire larguer et d'écouter ce refrain à plein volume, les yeux fermés, en étant certain d'avoir trouvé là un compagnon idéal. On exagère ? Pas tant que ça.
Derrière l'autotune, le flow chanté et les clins d'œil à l'hyperpop, cette musique s'entend avant tout comme un teen-movie, hybride, léché, parfois doté d'une candeur romantique, mais toujours fidèle aux fondamentaux du genre : on y fantasme le bad boy sensible, on traine entre copines, on y parle de choses profondes avec un air léger et, surtout, on y cite les références de toute une génération (Buffy, Roméo + Juliette, Virgin Suicides).
À l'écoute des dix morceaux réunis sur « SadBaby Confessions » (un titre qui en dit long sur sa passion pour Yung Leen), tout n'est évidemment pas génial. BabySolo33 est encore jeune, et ses propositions, toujours riches en audaces formelles, mériteraient parfois de tendre vers un peu plus de clarté. Toujours est-il qu'elle fait déjà partie de ces artistes qui nous attrapent par les oreilles pour nous trainer dans leur monde, leurs histoires, leurs fantasmes, leur intimité. Avec, comme qualité indéniable, ce sens de l'écriture visuelle et cette vision vaporeuse du rap.
Parfaitement consciente qu'il s'agit là d'une musique fondée sur le renouvellement constant et la toute-puissance de la nouveauté, la Bordelaise s'amuse des codes (« J’me lève à sept heures pour m’rendre au showcase/Et crois pas qu’y a des étoiles sur les panneaux d'l'hôtel »), puise dans une filmographie inédite (Jenny, inspiré du film Jennyfer's Body), détourne la grammaire des Skyblogs (BFF <3) et, ce faisant, capte avec justesse l'expérience adolescente. Sans rien masquer de ses excès, de sa folie et de cette excentricité juvénile derrière laquelle se dissimulent bien souvent des sentiments contradictoires, entre un mal-être silencieux et une croyance folle en ses rêves.
Crédits photo : Été Meurtrier/Lilian Hardouineau.