2021 M11 9
Allez, on va prendre une machine à remonter le temps, et se rendre le 8 novembre 1971, date de sortie de « IV », le quatrième album de Led Zep. À cette époque, le groupe n’est pas (encore) sur TikTok, Pompidou est président, Bonham est encore en vie et les rockeurs ont l’obligation de se relever après un troisième disque folk somptueux mais moins inspiré (même si Tangerine est un titre formidable).
La même année, la formation a vu passé dans les bacs des disques phénoménaux comme « L.A. Woman » des Doors, « Sticky Fingers » des Stones, « Tago Mago » de CAN ou encore « What's Going On » de Marvin Gaye. Le rock, avec les Who, les Floyd ou encore Hendrix, fait brûler les doigts des guitaristes, et enflamme les stades à travers la planète. Led Zeppelin n’a pas vraiment d’autres choix que de se surpasser pour être au niveau. Autant dire qu’avec « IV », ils vont mettre tout le monde d’accord. Et pas uniquement grâce à Stairway To Heaven.
S’il est facile de résumer un album, voire un groupe, par son tube (c’est un jeu d’enfant avec Eagles, les White Stripes ou encore Nirvana), aborder « IV » par l’unique prisme Stairway to Heaven serait une erreur, même si ce tube planétaire a fatalement aidé Robert Plant et sa bande à atteindre le statut qu’ils ont encore 50 piges plus tard. « J'ai cette idée d’un très long morceau sur le prochain album… nous voulons essayer quelque chose de nouveau avec l'orgue et la guitare acoustique qui se terminent vers l’électrique », avait confié Jimmy Page un an avant de jouer ce morceau pour la première fois. Et malgré des paroles bucoliques et mystérieuses, la chanson devient emblématique du groupe (pour info en 1991, le titre avait déjà cumulé 44 années de diffusion radiophoniques, soit 2 874 000 écoutes radio). Impossible de nier l’impact de ce titre sur le succès de l’album (plus de 30 millions d’exemplaires vendus, quand même), et sur celui de Led Zep. Sauf que tout le monde le sait : « IV » est un monument du rock à prendre en entier, comme un bloc monolithique de riffs surpuissants et de sauvagerie démesurée.
« IV » est devenu le genre d’album, avec « Abbey Road », « Born in the USA » ou « Back in Black », qu’on a vu absolument partout. Dans les magasins, chez les disquaires, sur des t-shirts, à la radio, dans les films. C’est devenu un énorme classique, avec les bons côtés (il est évalué à sa juste valeur) et ses mauvais, dans le sens où il a fini par lasser un paquet de monde. Une overdose musicale. Mais le disque, composé de 8 chansons, regorge de titres monumentaux. Et tout commence avec ces mots de Plant : « Hey hey mama said the way you move / Gonna make you sweat, gonna make you groove ».
Black Dog met en appétit avec ses triples riffs, Rock And Roll porte bien son nom (coucou AC/DC), The Battle Of Evermore, avec la voix de Sandy Denny de Fairport Convention et sa mandoline, emporte dans un univers mystique (coucou Jack White), Four Sticks (Bonham avec deux baguettes dans chaque main qui tabasse ses caisses) donne des sueurs froides, Going To California se boit à la petite cuillère et When The Levee Breaks, avec son intro cinématographique et son harmonica, donne le tournis (et coucou les Beastie Boys).
Sur ce disque, le groupe voulait « laisser parler la musique ». La mission est réussie. Les astronautes du rock sont rentrés su terre et, en prime, ont découvert des nouvelles planètes qui ont ouvert les horizons aux futurs musiciens. Et aujourd’hui, quand des formations comme Greta Van Fleet, Måneskin ou Royal Blood débarquent, deux évidences sautent aux yeux. D’une part, ils n’ont rien inventé. De l’autre, les fondations posées par Led Zep sont tellement enracinées qu’elles seront probablement impossibles à déterrer.