"Led Zeppelin II" a 50 ans : histoire de l’un des disques les plus bruyants du rock’n’roll

Publié le 22 octobre 1969, le deuxième album de Led Zeppelin va rapidement agir comme une détonation mondiale pour une génération de gamins qui souhaitent se faire mal aux oreilles. Cinquante ans plus tard, on n’a pas encore fini de l’entendre exploser. Décryptage sans boules Quies.

On the road. Quel plaisir de redécouvrir cet album, caché dans la discothèque depuis des plombes et que, anniversaire aidant, on ressort en ayant oublié à quel point il reste jouissif – c’est précisément le mot et on y reviendra plus tard. Mais avant de s’intéresser à l’impact de « Led Zeppelin II », il faut remonter à la source. Car ce deuxième album des Anglais encore très jeunes à l’époque (Jimmy Page n’a que 25 ans), c’est d’abord l’histoire d’un disque écrit sur la route, littéralement trimballé d’une ville à l’autre, d’un concert à l’autre, avec les bandes transportées dans un train. « C'était vraiment fou, dira plus tard Page, nous n'avions le temps de rien et nous avons dû écrire les morceaux dans les chambres d'hôtel. Au moment où l'album est sorti, j'en avais vraiment marre ; je l’avais écouté tellement de fois dans tellement d'endroits différents… »

Commandé par le label Atlantic seulement 6 mois après la sortie du premier album, « Led Zeppelin II » sent donc l’urgence, et dans le bon terme. Son objectif : coloniser la planète Terre et envahir les bacs pour le Noël 1969. Objectif atteint pour cet étrange vaisseau, qui plus est la même année que l’alunissage d’Armstrong. En seulement 6 mois, il s’écoulera à 3 millions d’exemplaires et détrônera même le « Abbey Road » des Beatles. Tout ça avec 9 morceaux.

Il vient de là, il vient du blues. Les chiffres sont d’autant plus étonnants que la bande de Robert Plant semble avoir composé cet album lourd en s’inspirant massivement des anciens, les bluesmen. C’est le cas dès la piste d’ouverture, Whole Lotta Love, née d’une jam avec des paroles piquées à un titre de Willie Dixon écrit pour Muddy Waters (You Need Love, qui donnera droit à un procès contre Led Zeppelin en 1985). Le titre fait des zig et des zag entre les deux enceintes, piquant comme un avion de la Seconde Guerre mondiale sur ses ennemis. C’est que « Led Zeppelin II », en plus de comporter des titres exceptionnels, est rempli d’effets et de trouvailles de production qui lui donneront un caractère psychédélique inattendu. L’arrivée du riff principal sur Whole Lotta Love, justement, en est peut-être le meilleur exemple.

Plus loin, Led Zeppelin adapte le Killin Floor de Howlin’ Wolf avec The Lemon Song et, hasard ou pas, le titre de clôture Bring It on Home est un hommage très direct au titre éponyme de Sonny Boy Williamson, publié 6 ans plus tôt. Loin d’être des plagiats (Stairway to Heaven n’est pas encore sorti…), les titres sont surtout une dédicace aux musiciens de Chicago à qui Led Zep, comme les Stones, doit tellement. Sauf que dans le cas de Led Zeppelin, ce deuxième album va mélanger tellement d’influences (le rock, la folk, le blues.. le meilleur exemple étant le track Ramble On, au carrefour de tous les genres) qu’il va carrément donner naissance à un style musical qui n’a pas encore de nom.

Berceau du Heavy Metal. Il suffit d’écouter les paroles de « Led Zeppelin II » pour comprendre qu’il ne peut pas être mis entre toutes les mains. Du sexe à peu près partout, des phrases salaces (« I wanna be your backdoor man » sur Whole Lotta Love, « Presse-moi bébé, jusqu’à ce que le jus coule sur ma jambe » sur The lemon song), les quatre garçons n’y vont pas de main morte pour exprimer leur obsession première : les femmes. Au-delà, si l’on peut dire, le disque comporte notamment le titre Heartbreaker qui inspirera plus tard, avec ses guitares lourdes, des groupes hard comme Aerosmith ou les Guns N’ Roses. Led Zep, père du Heavy Metal ? Ça se pourrait, et c’est encore une fois à mettre au crédit de Jimmy Page, ingénieur en chef des studios, qui profite de chaque session pour tester des expériences inédites.

Il ne sera d’ailleurs pas le seul à vouloir repousser les murs : le mythique solo de batterie de Moby Dick est quant à lui à mettre au crédit du grand John Bonham, quasi pionnier du genre puisque jusque-là les batteurs réalisaient uniquement leurs solos en live, et pas sur disque. Que faire, après ça ? « Toute notre vie a changé, déclarera plus tard Jimmy Page, c'était un changement si soudain que nous ne savions pas comment le gérer. » La majorité des groupes aurait explosé en plein vol, mais pas Led Zeppelin. Au total, le disque se vendra à 12 millions d’exemplaires – et cet inventaire date de 1999. Le « pire » dans tout ça est que « Led Zeppelin II » n’était que le début de l’aventure pour le groupe qui publiera deux ans plus tard « Led Zeppelin IV », avec ces marches vers le paradis qu’on connaît.  

Cinquante ans plus tard, on réécoute tout ce boucan toujours un peu fasciné ; le plus étonnant étant que trois des membres du groupe soient encore en vie, et toujours en forme. Et que le quatrième (Bonham) ne soit même pas mort de vieillesse (mais après avoir gobé 40 shots de vodka). Le rock lourd, visiblement, ça conserve.