« God Save The Queen » : la véritable histoire du classique des Sex Pistols

À 96 ans, la Reine Elizabeth II s’en est allée, rappelant aux mélomanes tous ces morceaux essentiels à la pop dont elle était la muse involontaire : des Beatles aux Smiths, la liste est longue. Parmi les titres les plus célèbres, il y a surtout « God Save The Queen », l’hymne incendiaire et chaotique de Johnny Rotten et sa bande.
  • Est-il temps de remplacer l'hymne national anglais par la chanson la plus populaire qu'il n'ait jamais inspiré ? La question mérite d'être posée quand on sait que le God Save The Queen des Sex Pistols résonne sur tous les plateaux télé depuis le jeudi 8 septembre au soir, à 19h32, heure de la mort de la Reine Elizabeth II. Un retour de hype prévisible (quoi de plus certain que la mort, après tout ?) qui intervient au sein d'une année 2022 particulièrement riche pour le groupe anglais - rappelons que la réédition de God Save The Queen a permis à la chanson d'être n°1 des ventes en Angleterre, et que la série de Danny Boyle consacrée aux Pistols est sortie juste avant l’été.

    Dans les faits, God Save The Queen avait pourtant tout pour devenir autre chose qu'un hymne populaire dont l'esthétique visuelle se retrouve aujourd'hui sur des t-shirt vendus 40£ sur les marchés de Camden. En 1977, lorsque les Sex Pistols publient leur single, il y a d'abord ce choc musical. Fans des Ramones, de Richard Hell et de The Move (la basse de God Save The Queen est inspirée par celle de Fire Brigade), Johnny Rotten et ses comparses rajoutent alors de la vitesse, du vertige et de l'urgence à ce rock pourtant déjà sulfureux. 

    Il y a aussi le sens du timing. À l'époque, le Royaume est en pleine célébration : c'est le jubilé de la Reine. L'occasion rêvée, donc, de la ridiculiser et de braquer les projecteurs sur soi, confirmant au passage le génie marketing de Malcolm McLaren, véritable tête-pensante de ce coup de génie : le groupe n’a alors pas conscience de ce qui se trame réellement. « La chanson n'a pas été écrite spécifiquement pour le jubilé de la Reine, finit par avouer Paul Cook. Nous n'en étions pas conscients à l'époque. Ce n'était pas un effort artificiel pour choquer tout le monde. »

    Enfin, il y a ces paroles, co-écrites par Rotten et Glen Matlock, juste avant qu’il ne soit remplacé par Sid Vicious. L’idée est alors de s’amuser, mais le véritable challenge est de parvenir à faire entrer tout ce texte au sein d’une mélodie aussi nerveuse et chaotique, parfaitement en phase avec le titre original du morceau : No future. En à peine trois minutes et vingt secondes, ils comparent la monarchie à un « régime fasciste », affirment que la reine « n'est pas un être humain », lancent un appel à démissionner de l’ordre établi, voire au démontage en règle du protocole royal.

    Résultat : God Save The Queen devient rapidement l'un des singles les plus controversés de l'histoire; il offre une représentation des délaissés du jeu social et atteint la 2e place des charts britanniques, devancé par The First Cut Is The Deepest de Rod Stewart. Un sacré exploit quand on sait que le classique des Pistols a été retiré des bacs (25 000 copies ont même été détruites) et interdit de diffusion sur la BBC et les autres stations réglementées par l'Independent Broadcasting Authority.

    Depuis, on ne compte pourtant plus le nombre de punks inspirés par un tel déferlement de rage. On ne compte plus également le nombre de détournements de cette image iconique créée par Jamie Reid représentant le visage d'Elizabeth II, les yeux et la bouche recouverts du titre de la chanson et du nom du groupe. Ce qui nous permet de reposer cette question initiale : est-il temps de remplacer l'hymne national anglais par la chanson la plus populaire qu'il n'ait jamais inspiré ?

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