2022 M07 8
Le saviez-vous ? La première fois que Johnny Rotten auditionne pour intégrer The Swankers comme chanteur, il s’est passé deux choses. La première : John a chanté le titre I’m Eighteen d’Alice Cooper joué sur un vieux juxebox. Et le guitariste Steve Jones n’a pas du tout été impressionné. Il l’a même pris pour un clown. Mais persuadé d’avoir en face de lui les gars capables de créer une révolution musicale, Malcolm McLaren, co-gérant de la boutique Let It Rock — qui sera renommé SEX plus tard — avec Vivienne Westwood et manager du groupe, convainc ces punks de faire un moins une répétition ensemble.
Pour connaître la suite, mais aussi un peu ce qui se passe avant l’arrivée de John dans le groupe, il y a des livres, des articles de magazine. Mais aussi la nouvelle série Pistol, disponible depuis le 6 juillet sur la plateforme Disney+. En six épisodes et environ six heures, elle raconte l’histoire des Anglais, notamment à travers le personnage de Steve Jones, dont les mémoires Lonely Boy: Tales from a Sex Pistol sorties en 2017 ont grandement inspiré le récit.
Car avant que les Sex Pistols ne deviennent vraiment les Sex Pistols, il y avait Steve Jones, Paul Cook et Wally Nightingale. Ils s’appelaient The Strand ou parfois The Swankers. Steve était le chanteur. Rien n’allait. Mais la série met une chose en valeur : la personnalité de Steve, illettré, fouteur de bordel, voleur, avec un gros penchant pour sauter sur tout ce qui bouge. Le mec n’était pas malin — il a avoué ne pas savoir ce que le terme anarchie signifiait quand ils ont enregistré Anarchy in the UK — mais avait l’envie de gratter les cordes comme si sa vie en dépendait. Fan des Stooges, il apprend la guitare en jouant péniblement des riffs simples, mais puissants.
Au début du groupe, ils reprennent d'ailleurs le titre No Fun — qui sera d’ailleurs le dernier morceau joué par le groupe lors de son dernier concert aux USA avant de se séparer — et parviennent à composer quelques titres orignaux. L’épisode 3 de la série se focalise d’ailleurs sur la personne schizophrène (Pauline) qui a inspiré à Johnny Rotten le titre Bodies. Pour info, Pauline se baladait avec le fœtus de son enfant dans un sac.
Si plusieurs faits réels sont bien présents dans la série, comme l’article publié par le journal NME et écrit par le jeune journaliste Neil Spencer en février 1976 (c’est l’article avec la fameuse citation « en fait on s’en fout de la musique : on veut le chaos »), l’aspect manipulateur de McLaren, le concert à la prison de Chelmsford, l’interview télé qui choque le pays ou encore le faux mariage de Chrissie Hynde (qui formera plus tard les Pretenders) avec Steve Jones pour des questions de visa, d’autres laissent un peu plus sceptique.
La manière dont John Lydon est dépeint est exagérée, laissant croire que ses excentricités sur scène affectaient aussi sa manière d’être au quotidien. Dans la série, il est souvent énervé, insulte constamment les autres membres du groupe et regarde tout le monde comme s’il allait leur coller des beignes. Le rôle de Chrissie Hynde est lui aussi un peu exagéré. L’Américaine a d’ailleurs été surprise d’avoir une place aussi importante dans la série. Elle a certes été proche des Sex Pistols — bon, elle a couché une fois avec Steve Jones — mais n’a pas été aussi cruciale dans l’évolution du groupe. La série aborde aussi le sexisme de l’époque, et le fait que les femmes n’étaient pas vraiment considérées à leur juste valeur. Dans Pistol, le talent musical de Chrissie Hynde ne plaît pas à Mick Jones (futur membre des Clash), les idées de Vivienne sont rabaissées par McLaren et les autres femmes qui gravitaient autour, comme Pamela Rooke (styliste des Pistols, pionnière du mouvement punk) ou Siouxsie Sioux (future Siouxsie and the Banshees) n’ont pas des rôles marquants. Pourtant, en réalité, elles ont eu une influence cruciale.
One of the best punk photos of all time was taken 45 years ago
— Punkrock History (@PunkRockStory) July 7, 2022
The Sex Pistols play the first Swedish date of their Scandinavian tour in Halmstad, Sweden, July 1977. Photo by Lars Astrom#punk #punks #punkrock #sexpistols #history #punkrockhistory pic.twitter.com/TyagfeM7wy
La série montre bien l’Angleterre stricte et tristoune de l’époque, la haine des hippies par les punks, l’envie de faire autre chose que du rock à papa (Led Zep, Rick Wakeman de Yes qui est moqué dans l’épisode 2) et surtout la naissance d’un mouvement encore à ses balbutiements. Mais ce qu’elle réussit à transmettre, c’est le côté je-m'en-foutiste. Car contrairement au Clash par exemple, les Pistols n’avaient pas de revendications politiques : ils voulaient juste foutre la pagaille, partout. Et tout faire pour éviter de suivre les chemins tout tracés direction l’usine et les pintes au pub pour oublier un quotidien morose.
Quelques petits détails restent amusants, comme l’arrivée dans le groupe de Sid Vicious (fin de l’épisode 4) sur un morceau… des Buzzcocks, un groupe qui s’est formé après avoir vu un concert des Pistols — et surtout après avoir organisé leur premier concert à Manchester. Ou encore le show raté à Whitby dans le nord de l’Angleterre avec la DJ qui joue du disco avant leur passage.
Sur plusieurs points, la série raconte les faits de manière précise, sans tomber dans la facilité. Même si l’histoire est déroulée de manière linéaire et chronologique, elle parvient à capter l’effervescence, l’importance de la contre-culture, la férocité (les concerts sont parfaitement bien filmés) et l’impact des Pistols sur la musique. Malcolm McLaren est bien un rouquin vicieux. Lydon une bête de scène. Steve un prolo qui fonce tête baissée. La série Pistol avait 1000 raisons de foncer dans un mur. Elle s’en sort sans aucun impact sur la carrosserie.
La série est disponible sur Disney+ via myCANAL.
Crédit photo : Miya Mizuno - FX