2021 M11 28
Ils n’étaient pas nombreux, en 1976, à critiquer ouvertement le gouvernement britannique. Pourtant, la crise économique et le chômage pouvaient donner l’envie aux citoyens de se révolter. La rébellion arrive le 26 novembre par l’intermédiaire d’une chanson, la première d’un groupe qui fait des vagues depuis quelques mois à travers le pays : Anarchy in the U.K des Sex Pistols.
Les punks, qui font des concerts ravageurs et qui déclarent à la presse des phrases du type « en fait on s’en fout de la musique : on veut le chaos » (en février 76 dans le NME), excitent une jeunesse anglaise qui n’est pas prête à accueillir la furie Sex Pistols, mais qui sera obligée de leur ouvrir les bras malgré tout. La violence des paroles envers le gouvernement est inédite. Dans une interview à Mojo en 2008, Johnny Rotten reviendra sur l’écriture du morceau : « Ça m'est venu tout naturellement. Ce sont juste des motivations à long terme qui sont là et vous ne pouvez jamais sous-estimer l'énergie motrice pure que la pauvreté vous apporte. On vous refuse tout et l'accès à tout. Le gouvernement, les écoles, tout le monde vous dit que vous ne comptez pas. Vous êtes de la racaille. C'est une incroyable énergie motrice, pour être meilleur que ce qu'ils pensent de vous. »
Les réactions à ce morceau enragé, fatalement, divisent : d'un côté, les jeunes qui adorent et voient en Rotten le symbole d’une rébellion inévitable, de l'autre, les personnes plus âgées, scandalisées par les propos du groupe. Pourtant pour Rotten, Anarchy in The UK n’est pas qu’un simple appel bête et méchant à tout casser : « J'ai toujours pensé que l'anarchie est un jeu d'esprit pour la classe moyenne, a déclaré Johnny au magazine Rolling Stone à propos du morceau. C'est un luxe. On ne peut se le permettre que dans une société démocratique. Le gouvernement n'offre pas de réponses et j'espère qu'en écrivant mes chansons, j’en propose une, et qu’elle ne se résume pas vouloir tout détruire sans aucune raison. »
En d’autres termes, avec cette chanson, Rotten veut surtout « faire le buzz » et devenir l’étincelle qui allumera le feu d’un mouvement contestataire plus large. En tout cas, les Sex Pistols n’y vont pas par quatre chemins et s'en prennent directement au gouvernement. Et cette voix « anti-establishment » résonne à travers la Grande-Bretagne. Mais en novembre 76, le groupe n’est pas encore censuré à la radio ou interdit de concert dans son propre pays.
Malgré tout, Anarchy in the U.K se classe à 38e position dans les charts. Les Anglais, qui n’ont pas encore sorti un autre titre qui fera polémique (God Save The Queen) passent à la télévision le 1er décembre 76. Ils sont invités dans l’émission « Today » sur la chaîne locale Thames Television pour remplacer Freddie Mercury qui annule à la dernière minute. Le présentateur Bill Grundy, alcoolisé, fait alors face aux quatre garçons, pas du tout prêts à se prêter au jeu de la promo. Ils finiront par insulter le présentateur de « vieux salopard ». Dès le lendemain, le 2 décembre 76, le Daily Mirror titre en Une de son journal les fameux mots « The Filth and the Fury » (« La Répugnance et la Fureur » en français) en réaction à l'émission de la veille. Un mois plus tard, le 6 janvier 1977, EMI envoie balader les punks et rompt le contrat du groupe. Quant à Anarchy in the U.K, elle sera présente sur l’unique album studio des Anglais « Never Mind The Bollocks, Here's The Sex Pistols », sorti le 28 octobre 1977.