2020 M12 7
C'est l'histoire d'un artiste qui, au début de la décennie 2010, envisageait sa musique comme un écho à ses peines sentimentales et ses troubles personnels. Ainsi, sur sa « Trilogy » de mixtapes (« House of Balloons », « Thursday » et « Echoes of Silence »), The Weeknd tirait les sujets de ses chansons des pages de son journal intime. Mais à mesure que sa célébrité grandit – et que la culture pop devient de plus en plus obsédée par les lamentations – les morceaux de l’Américain commencent à changer de dimension.
Blinding Lights est l'histoire d'un chanteur tourmenté devenu pop-star, qui a délaissé les propos intimes pour des collaborations XXL (Daft Punk, Lana Del Rey, Kevin Parker) et une évidente obsession pour les refrains accrocheurs, répétés à l'envi.
À sa sortie, Blinding Lights n'a pourtant pas fait l'unanimité : certains médias lui reprochent de regarder trop ouvertement dans le rétro (les années 1980, la new wave, toussa), d'autres de caresser un peu trop l'auditeur dans le sens du poil. Quelques mois après sa sortie, c'est son absence de la sélection des Grammy Awards qui pose des questions : après tout, comment un tel tube, de loin le plus écouté de l'année sur Spotify (1,6 milliards de streams) et présent sur un disque écoulé à 440 000 exemplaires en première semaine, peut-il être à ce point snobé par les institutions ? Blinding Lights est-il un morceau si imparable et important que ça ?
À l’évidence, oui, et cela pour au moins trois raisons : cette volonté d'orchestrer la rencontre sur disque de Michael Jackson et The Human League ; cette faculté à faire bouger les popotins sur une mélodie qui doit autant aux eighties qu’à un mode de production moderne, hérité de Max Martin ; ou encore cette façon de faire valser la mélancolie dans un refrain pensé comme un bon et doux antidote à la morosité ambiante - à moins que ce ne soit un hymne générationnel nécessaire au moment où tous les dancefloors prennent la poussière, mais on doute que The Weeknd soit si visionnaire.
Quoi qu'il en soit, il semble que l'on n'en a pas encore fini avec Blinding Lights. Ce tube est taillé pour le public international, pensé pour traverser les années et suffisamment iconique (oui, déjà !) pour s'offrir des remixes ambitieux. À l'image de celui proposé par Rosalía, dont le chant en espagnol, la voix sensuelle et les inclinaisons raggaeton offrent de nouvelles nuances à ce tube si euphorisant qu’on ne serait pas contre l’idée qu’il serve de blueprint à tous les singles néo-new wave qui pourraient émerger à l’avenir.