2022 M12 16
« Que du rap sur VV5, aucune tentative ratée de single pop “urbaine” ». Non content d'avoir annoncé la deuxième partie de « V » en plein concert à Bercy, Vald en remettait une couche hier, à quelques heures de la sortie de « VV5 ». Qu’importe l’instru, bondissante, dodelinante, hybride (formidable Microphone Check !) ou héritée de la jersey drill (Show), le gaillard promet donc une démonstration de style, un étalage de rimes techniques et bien senties.
L’époque s’y prête : on en parlait déjà cet été, de Dinos à Prince Waly, de B.B. Jacques à Souffrance ou Tedax Max, nombreux sont les artistes à développer un rap sans concessions, attirés par les 16-mesures, assumant la littéralité de la langue française et amenant leurs textes loin des grammaires usuelles.
Le nouvel album de Vald, pour lequel il s'est mué en ingé son (« C’est moi même qui ai rec toutes les voix »), s'inscrit donc dans une tendance et rappelle également quelque chose d'essentiel : l'intérêt d'avancer en équipe resserrée. Deux morceaux en attestent : Echelon Freestyle, enregistré aux côtés des gars de son écurie (Yonidas, Charles Bdl, Rafal et Suikon Blaz AD), et Ruff Ryderz, clin d’œil évident à ce collectif new-yorkais (DMX, The LOX, etc.) qui, au croisement des années 1990/2000, a su trouver le juste milieu entre le succès commercial et le manifeste underground, qui a révolutionné l'imagerie hip-hop en adoptant une esthétique apte à faire fantasmer les rockeurs (motos, loups, vestes en cuir) et a imposé un hip-hop lugubre, agressif et racailleux.
Paradoxalement, Ruff Ryderz ne doit absolument rien à cette esthétique hardcore. C'est même probablement là le morceau le plus mélodique de « VV5 ». Dans le même ordre d’idée, il y a aussi Bad, très marqué par le rap du début des années 2000 (Fonky Family, etc.), mais traversé par davantage de noirceur et de radicalité. Un peu comme s’il s’agissait pour Vald d’annoncer Réflexions très basses, suite réussie de Réflexions basses, l’un des titres phares de « Xeu » (2018).
Quatre ans après, on se plaît à suivre encore et encore les différents délires du Francilien, tantôt tourmenté par le changement de classe sociale ou les questions existentielles, tantôt fidèle à ce qui a toujours fait son charme : le sens de l’absurde, les métaphores satanistes (Satan 3), l’écriture visuelle et les changements de flow. Il est simplement jouissif que ce travail acharné (depuis 2017, on compte cinq LPs, deux compilations, un album commun avec Heuss L'Enfoiré et une mixtape) ait finit par lui permettre de mettre au point une vraie direction artistique, cohérente et nécessaire à son cerveau en ébullition. « Même après 10 ans, j'suis pas léssivé », clame-t-il sur Feelings, sans surprise mais percutant, avant d'afficher clairement son ambition en fin d'album : « J'vais jusqu'au bout, j'prévois aucun retour ».