On a mis les gants pour disséquer le "monde cruel" de Vald

Trois albums en trois ans, c'est beau, c’est fort, ça permet à Vald d'être plus consacré que jamais, mais ça n'est visiblement pas suffisant pour apaiser le dégoût d'un rappeur prêt à mettre ici en scène toute son autodestruction.

Journal perso. Une omniprésence (sur les réseaux comme dans les bacs), un second degré parfois poussé à l’extrême, des textes que certains considèrent (à tort) comme de vrais pousse-au-vice : Vald pourrait incarner tout ce qui est bien souvent insupportable au sein de l’époque actuelle. Il faut cependant lui reconnaître un évident talent, celui de captiver son audience. C’est un artiste, un vrai, un mec capable de prendre la tangente à tout moment : en faisant de Journal Perso II le premier single de « Ce monde est cruel », le Parisien a ainsi surpris tout le monde avec un titre mélancolique, sans refrain, très loin d’avoir le potentiel tubesque d’un Désaccordé.

Réflexions basses. Journal Perso II n'est pourtant que la première d’une longue suite de ruptures pour Vald, qui a toujours adoré dérouter ses fans. On entend même déjà les plus opportunistes parler de ce troisième album comme celui de la maturité, de la prise de conscience. Certes, le rappeur entretient parfaitement cette sensation, que ce soit dans ses textes (« Les prisons sont remplies d’innocents », « Tu n’es qu’un chiffre de passage, manipulé depuis le bas âge ») ou dans ses interviews (« J’ai voulu me la jouer Public Enemy », raconte-t-il à Society).

Mais la force de « Ce monde est cruel », sa qualité première, est aussi et surtout de dévoiler tout un tas de flows différents : tour à tour nerveux et chantonnant, sarcastique et pesant. À défaut de contenir un réel single, ça permet déjà à ces seize nouveaux titres, enregistrés entre le salon de son ingé son et Miami, de captiver de bout en bout.

« M’auto-détruire est un plaisir. » On a souvent dit que Vald, à travers des titres comme Vitrine ou Eurotrap, était le symbole d’une jeunesse moins engoncée dans la morale. Et c’est sans doute vrai. Sauf que le rappeur se fait ici plus sombre, développe un univers qui s’inscrit davantage dans la lignée de titres comme Gris ou Réflexions basses que Dragon ou Ma meilleure amie. « Ce monde est cruel » est l’album d’un homme de 27 ans qui se dit tout le temps déprimé, isolé de ses proches, emmerdé par la législation française concernant le droit des pères (Pensionman) et persuadé d’être en rupture, au bord de la folie : « J'pourrais faire semblant qu'c'est facile, mais je sors dehors, je rentre à l'asile. »

Sauf que, plutôt que de ressembler à ces légions de poseurs recyclant le mal-être adolescent des amateurs de Rimbaud (ou pire, d'Indochine !), Vald a plutôt choisi ici le camp de la désinvolture, la vraie : « Si le mauvais sort frappe à la porte, j’ouvre la fenêtre et je m’en sors », rappe-t-il, presque taquin.

« Le rap, c’est la philosophie pour les nuls. » Plutôt que de sombrer dans le misérabilisme, ou le mal-être surjoué, Vald parvient donc toujours à se raconter avec honnêteté. Sans jamais masquer ses paradoxes, mais avec toujours des productions (signées Seezy, Ponko et Sofiane Pamart) qui parviennent à donner davantage d’épaisseur à son propos. Parfois, le ton est contrasté, comme sur NQNTMQMQMB et Rappel où Vald tient un propos virulent, presque autodestructeur, sur des mélodies tour à tour électriques et guillerettes. Parfois, sur le fameux Journal Perso II, il préfère rester en tête-à-tête avec un piano. Et c’est merveilleux comme ça.