Chez les jeunes, TikTok est déjà plus populaire que Spotify

Actuellement sur la sellette dans de nombreux pays occidentaux, légitimement inquiets pour leur sécurité nationale et notre capacité de concentration, le réseau social chinois est également dans le viseur du secteur de la musique. Ce dernier craint de voir TikTok supplanter les services de streaming musicaux alors qu'il ne rapporte presque rien aux artistes.
Alexis Lebrun

2023 M03 27

    • La dernière mise à jour de Spotify a fait grand bruit, et pour cause. Le géant suédois du streaming a en effet décidé d'adopter une page d'accueil ouvertement inspirée de TikTok, en proposant un flux vertical infini de mini-vidéos et d'images à faire défiler. Pourquoi ?

    Parce qu'avec 1,7 milliard d'utilisateurs actifs dans le monde en 2022 et un temps moyen d'utilisation monstrueux par rapport à la concurrence (95 minutes par jour), le réseau social chinois est en train de gagner la bataille de l'attention et fait trembler donc toute l'industrie culturelle, de Netflix à Nintendo en passant par Spotify, donc. Ce qui amène une bonne partie de la concurrence à tenter de copier la recette du succès de TikTok.

    Bien évidemment, la France n'est pas épargnée par cette tendance. Dans le dernier rapport annuel du SNEP (Syndicat national de l'édition phonographique) publié il y a quelques jours, un chiffre a même de quoi donner des sueurs froides à l'industrie musicale française :

    « 45% des 16-24 ans (et plus d’un tiers des Français) déclarent passer désormais plus de temps sur TikTok que sur les services de musique en ligne. »

    Pourquoi est-ce à ce point préoccupant ? Tout simplement parce que comme nous l'avions expliqué longuement dans cet article récent, TikTok ne rémunère quasiment pas les artistes dont la musique est utilisée sur la plateforme aujourd'hui.

    Pire encore, TikTok siphonne donc le temps passé sur Spotify & cie, ce qui génère moins d'écoutes payées pour les artistes et handicape le modèle de l'abonnement payant à des services de streaming musicaux. C'est ce qu'a expliqué Olivier Nusse, président d'Universal en France lors d'une conférence de presse :

    « La croissance à ce point de cette plateforme, qui ne rémunère pas assez, ça nous obsède. (…) Le temps passé sur TikTok n'est pas passé sur des plateformes de streaming payant. »

    Le directeur général du SNEP, Alexandre Lasch, en a également remis une couche à ce sujet, déclarant sa volonté de "redéfinir la place de TikTok, dont l’utilisation massive détourne les consommateurs des offres d’abonnement, moteurs du modèle économique de la musique aujourd’hui."

    Les autres chiffres publiés dans le rapport sur TikTok aident à comprendre cette obsession : "Parmi les 16-24 ans, un jeune sur deux utilise TikTok tous les jours (et un Français sur 4 chaque semaine), et 77% des utilisateurs de 16-24 ans déclarent y découvrir beaucoup de nouveautés musicales et d’artistes", ce qui est une bonne nouvelle en théorie. Sauf que si cela ne se traduit par des écoutes des artistes en question avec un abonnement payant à une plateforme de streaming, cela ne contribue pas à la rémunération de la création musicale.

    Dans le même rapport du SNEP, on apprend en effet que la France est à la traîne pour l'adoption du streaming par abonnement par rapport aux Etats-Unis ou aux autres pays d'Europe. On comptait ainsi en 2022 seulement 11 millions d'abonnements à des offres comme Spotify Premium, pour encore 8,6 millions de comptes gratuits avec publicité. Or, c'est le streaming par abonnement qui est aujourd'hui le moteur massif de l'industrie musicale, et rien d'autre.

    Et TikTok pourrait bientôt lancer sa propre application de streaming de musique. Elle n'a donc pas fini de révolutionner l'industrie musicale, quand elle ne change pas carrément la structure des morceaux. D'ailleurs, en tout petit, on lit aussi dans le rapport que chez les 16-24 ans, la plateforme chinoise est désormais la deuxième source de découvertes musicales. C'est plus que le bouche à oreille, la radio, la télé ou les films. Autant dire que tous les médias ont également du souci à se faire.

    Crédit photo : Solen Feyissa

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