2023 M08 28
Ce devait être l’apothéose d’une édition très réussie, à la programmation riche et ambitieuse. Après avoir accueilli Billie Eilish en ouverture mercredi soir, Rock en Seine recevait pour la première fois les Strokes hier soir. Un autre énorme poids lourd de la musique qui permet à lui tout seul d’assurer au festival un dimanche archi complet depuis des semaines.
Cette notoriété va se vérifier tout au long de la journée, où l’on croisera des centaines de fans aux couleurs du groupe de Julian Casablancas. Le parc de Saint-Cloud est tellement saturé que l’on peine à y circuler dans les heures qui précèdent le concert – ne parlons pas d’approcher les premiers rangs de la grande scène où les Strokes doivent se produire.
Bref, c’est l’effervescence, car tout le monde attend avec beaucoup d’excitation cette date du meilleur groupe de rock des 20 dernières années, également connu pour sa rareté en France.
.@thestrokes à Rock en Seine : ✅
— Rock en Seine | Merci ❤️🔥 (@rockenseine) August 27, 2023
📸 @louis_comar (1) • @daidix (2, 3, 4) pic.twitter.com/X6bDZoe4xH
Avec 5 minutes de retard sur l’heure où devait débuter le concert – pas de quoi râler se dit-on alors, mais c'était peut-être un signe annonciateur – les Strokes apparaissent enfin sur la grande scène à 22h05, devant 40 000 personnes agglutinées prêtes à les acclamer.
Tout se passe à peu près bien pour les quatre premiers morceaux qui mêlent bangers d’antan (Last Nite) et d’aujourd’hui (The Adults Are Talking), mais l’ambiance prend déjà une autre tournure lorsque Julian Casablancas donne la parole au bassiste Nikolai Fraiture – qui a la nationalité française – pour traduire le titre du morceau Call It Fate, Call It Karma en français.
On se réjouit alors de voir le groupe blaguer sur scène et ne pas jouer en pilote automatique, sauf que tout le monde réalise vite que les blagues de Julian Casablancas ne font rire que lui dans le groupe. Une certaine gêne gagne peu à peu le public, qui se demande si le leader des Strokes n’a pas un peu abusé sur la boisson.
julian literally saying the word karma with a french accent, nikolai: look julian speaks french too!!
— sara STROKES TODAY (@infinityrepeats) August 28, 2023
julian: NO pic.twitter.com/WPxngKnUOj
Mais le pire est encore à venir, puisque peu de temps après, le son des Strokes commence à sauter de manière répétée, comme une platine vinyle dont le diamant devrait être changé. Le problème – qui ne sera jamais vraiment résolu jusqu’à la fin du set, malgré le changement de micro de Casablancas – gâche plusieurs morceaux et commence logiquement à agacer le public, qui fait savoir son mécontentement de voir des classiques comme Hard to Explain être transformés en bouillie inaudible.
Après tout de même quelques bons moments – dont le magnifique Ode to the Mets –, Julian Casablancas décide de lancer de nouvelles blagues à ses collègues – qui restent toujours de marbre – sur une mystérieuse "shower of silence", avant d’improviser une répétition en imaginant un morceau composé par une IA.
… et qu’il t’a coûté 75 euros 🥹 pic.twitter.com/bPe3vd89zT
— Del_H (@MatthieuDelach) August 27, 2023
C’est sympa, mais tout le monde remarque que l’heure tourne, et entre les problèmes de son – déjà présents deux jours avant au Royaume-Uni visiblement, donc imputables au groupe – et les morceaux où la voix de Julian Casablancas flotte sérieusement, le public ne rit plus vraiment non plus.
Comme vous avez pu le constater pendant les 4 jours du festival, les scenes sont toutes équipées de manière à permettre aux artistes de jouer dans les meilleures conditions possibles, notamment concernent les moyens de diffusion sonore.
— Rock en Seine | Merci ❤️🔥 (@rockenseine) August 28, 2023
Le pompon est probablement atteint juste avant Soma, où le leader entraîne le groupe dans une nouvelle impro qui ne met pas vraiment en valeur son falsetto – euphémisme. On a la fâcheuse impression d’être dans le studio des Strokes au bout de la nuit après une répétition bien arrosée. Certains adorent et vantent l’authenticité – discutable – de ce moment, quand d’autres ont le sentiment de se faire poliment enfler par un groupe qui joue la montre.
Un sentiment qui sera renforcé par une fin abrupte avant l’horaire prévu cette fois (23h30), avec à peine une salutation adressée au public, et après un Is This It qui n’aura jamais aussi bien porté son nom. Julian Casablancas était-il content d'être là, ou est-il simplement venu chercher un gros cachet ? Sidérée, une partie du public demande en tout cas plus ou moins sérieusement un remboursement, notamment sur les réseaux sociaux.
Résultat des courses : une setlist très incomplète où de nombreux classiques (où était The Modern Age ?) manquent à l’appel, et une déception pour celles et ceux qui vivaient leur premier concert du groupe.
Beaucoup de fans diront qu’un concert aléatoire voire gentiment foireux des Strokes fait partie intégrante de sa légende rock’n’roll, que Julian Casablancas aime seulement faire l’idiot sur scène, et qu’il était parfaitement sobre hier soir. Mais avec l’inflation du prix des places, le public est lui peut-être un peu moins coulant.
Ce qui est sûr, c’est que le festival n’est pas près d’oublier le premier concert des Strokes à Rock en Seine. Ce qui l’est beaucoup moins, c’est qu’on les revoit un jour à Rock en Seine.
Crédit photo : Olivier Hoffschir / Rock en Seine