Yoko Ono a-t-elle vraiment tué les Beatles ?

Il faut remonter au début de la relation Ono-Lennon pour comprendre ce qui a poussé le public à être persuadé que la Japonaise avait provoqué la séparation des Beatles. Même si les deux tourtereaux étaient mariés au moment de leur rencontre, ils ont vite abandonné leurs conjoints respectifs pour se mettre à la colle. Dès lors, les deux artistes ne vont plus se quitter et Yoko Ono assistera à toutes les sessions d’enregistrement des quatre garçons dans le vent. L’ingénieur du son fidèle au groupe, Geoff Emerick, explique dans son livre Here, There, and Everywhere que la présence d’Ono dérange beaucoup, particulièrement George Harrison. Un beau jour, il aurait traité la chanteuse de “b*tch”, simplement parce qu’elle tapait dans son paquet de gâteaux. C’est cette drôle d’ambiance qui a été dépeinte pendant de longues années et qui aurait mis fin à l’alchimie entre les membres du groupe.

Cette version est quelque peu contredite dans le documentaire Get Back de Peter Jackson. Ce dernier revient sur la conception de “Let It Be”, dernier album des Beatles et par conséquent, ses derniers enregistrements. On y voit la femme de Lennon souvent présente en studio avec les Fab Four, mais sans jamais vraiment interférer dans le processus créatif du groupe. En réalité, elle passe la plupart de son temps à lire, à peindre ou à rouler des joints. 

Alors que les fans se sont auto-persuadés que la relation passionnelle entre Yoko Ono et John Lennon était à l’origine de la séparation du groupe, l'histoire est en train de changer. L’artiste japonaise a longtemps été une cible facile, utilisée pour expliquer l’inexplicable - soit la fin du plus grand groupe de tous les temps. Déjà en 1971, son mari la défendait au Dick Cavett show à la télévision américaine : “De toute façon, elle n'a pas séparé les Beatles, car comment une fille ou une femme pourrait-elle séparer les Beatles ? Ils s'éloignaient d'eux-mêmes.” Cinquante plus tard, le réalisateur de Get Back a le même avis que Lennon. Dans une interview accordée à CBS News, Peter Jackson apporte son soutien à Yoko Ono : “Le truc avec Yoko, c'est qu'elle ne s'impose pas. Elle écrit des lettres, elle lit des lettres, elle fait de la couture, elle fait de la peinture, parfois quelques travaux artistiques à côté. Elle n'a jamais d'opinion sur ce qu'ils font.”

Mais alors qui est le vrai responsable de la division définitive des Fab Four ? Si l’on en croit les récentes déclarations de Paul McCartney, il n’y a aucun doute : c’est la faute de John Lennon. Le chanteur aurait décrété par lui-même de se retirer entraînant la chute inévitable des Beatles. Si l’on regarde la situation de plus près, la réponse à cette question semble beaucoup moins évidente. Certes la décision de Lennon a joué un rôle crucial, mais ce n’est pas la seule.

Dès leurs débuts dans la musique, les Liverpuldiens ont été accompagnés par Brian Epstein, leur manager. A sa mort en 1967, le groupe n’est plus le même et les quatre musiciens peinent à avancer artistiquement. Il sera remplacé deux ans plus tard par un certain Allen Klein, ce qui ne plaît pas du tout à McCartney. Le bassiste ne veut pas signer avec ce nouveau manager et il se met à attaquer en justice les autres membres. “Ils m’ont remercié pour ça, des années plus tard”, affirme-t-il aujourd’hui, plus de cinquante ans après la fameuse scission. Il faut croire que si les Beatles se sont séparés, ce n'est pas à cause de Yoko Ono, mais à cause des Beatles eux-mêmes. Et pourtant, certains continuent encore de la détester. N'y aurait-il pas un peu de misogynie derrière tout ça ?