2016 M08 29
Bill Clinton, Naomi Campbell, Lenny Kravitz, Sylvester Stallone… Son compte Instagram est un annuaire du gratin pop international, mais son nom ne vous dit rien. Normal : sur les photos, c’est l’homme du bord de cadre, la tête en trop à côté des stars, le photobombing man. Sauf que Madonna ou U2 ont mis son portable en favori depuis bien longtemps. Normal : Guy Oseary est leur manager.
Ne vous fiez pas à son côté comique juif de New York à la Ben Stiller. Juif okay, il l’est. Né en Israël, le petit Guy a déménagé à Los Angeles à l’âge de huit ans. Humoriste, ça reste à voir, car côté business, c’est tout sauf une blague. Dix ans plus tard, il devient le directeur artistique de Maverick, le label de Madonna, et signe une certaine Alanis Morissette qui s’apprête à écouler trente-trois millions d’exemplaires de son « Jagged Little Pill ». Pour certains, ce serait déjà le climax d’une carrière bien remplie. Sauf que Guy Oseary, à l’époque, vient à peine de fêter ses vingt ans.
Anti-conformiste
Avant de devenir l’un des managers les plus respectés du music system, en plus d’être doté d’un redoutable sens des affaires, le petit Guy a fait ses armes en manageant des artistes hip hop comme les frères Hen-Gee et Evil-E qui vont sans le savoir lui ouvrir les portes de la première division. Pote avec les enfants de Freddy DeMann (un puissant manager de L.-A.) Guy devient alors, à un âge où d’autres en sont encore à user les bancs de la fac, l’un des premiers salariés de la PME Maverick, fondée par une Madonna alors au sommet de sa gloire – tout le monde rêve de voir sa culotte.
Inspiré par le nom des principaux associés, MAdonna VEronica et FredeRICK DeMann, Maverick, en anglais, signifie franc-tireur, insoumis, anti-conformiste. Des adjectifs qui vont aussi bien à la Ciccone qu’à cet employé qui va gravir les échelons plus vite qu’un GI ne monte à la corde. Recruté en 1992 comme « simple » dénicheur de talents, le voilà propulsé Président du label de Madonna qui, tout au long des années 1990, accumule les succès : Muse, Prodigy, les Deftones, les B.O. de Matrix, Austin Powers, Kill Bill… Franchement, vous en connaissez beaucoup des gamins millionnaires disposant d’un bureau assez grand pour loger toute une équipe de foot ?
Le sixième homme
Début les années 2000, fin de la partie pour Maverick, non sans une ultime prolongation. À la fin d’un procès qui oppose Madonna au repreneur de sa société, finalement vendue dans la douleur à Warner Music Group en 2004, celui qui n’a alors que trente-deux ans devient officiellement le manager de celle qui lui a fait perdre sa virginité. Aux commandes du bateau Madonna, Guy Oseary devient le grand argentier d’une machine à cash et son nom, à l’inverse de son visage, commence à faire parler. On le retrouve au générique des films de Rod Zombie (House of 1000 Corpses et The Devil’s Rejects) et des quatre premiers épisodes de Twilight (en tant que producteur exécutif) ; ce qui ne l’empêche pas d’empocher le titre de manager de l’année après avoir permis à Madonna de signer un contrat de 120 millions de dollars avec Live Nation pour une série de tournées parmi les plus lucratives de l’histoire de la pop music. Au basket, on parlerait de lui comme du sixième homme idéal : un homme de l’ombre qui flingue, qui permet aux titulaires de briller pendant que lui fait le sale boulot. Et ce n’est pas fini.
Cameoman
Preuve de l’attachement de l’élève à la mentor, lorsque Guy Oseary décide de fonder sa propre entreprise de management en 2004, c’est le nom de Maverick qui s’impose. Un pacte de sang avec la chanteuse qui n’empêche pas celui qui a investi plusieurs millions de dollars avec son pote Ashton Kutcher dans Uber, Spotify ou AirBnB de prendre en 2013 les commandes du vaisseau U2. C’est d’ailleurs à lui qu’on doit l’énorme (bad) buzz de l’album « Songs of Innocence » vendu gratuitement sur iTunes et qui permettra à la bande à Bono de toucher d’un coup d’un seul 500 millions de personnes contre leur gré. Anti-conformiste, c’était écrit depuis le début sur son CV. À la case fun fact, on remarque d’ailleurs deux apparitions dans l’adaptation cinématographique de Drôle de dames, où l’ami Guy joue le rôle d’un DJ puis d’un patron de restaurant. Guy ose tout et ça aussi c’est écrit dans son nom.
À quarante-trois ans, il manage aujourd’hui deux des plus gros poids lourds du music business. D’autres auraient déjà sombré depuis longtemps dans la cocaïne ou les affres de la jet set mondialisée. Pas lui. Guy préfère poster des photos de lui avec Madonna rencontrant Barack Obama ou de sa famille normale, femme enceinte et topless avec chien qui sourit comme dans les meilleurs blockbusters américains. Aux dernières nouvelles, ses autres « clients » (Alicia Keys, Pharrell Williams) voient aussi la vie en get lucky. Normal : Guy a bien retenu la leçon de l’ancien manager des Rolling Stones, Andrew Loog Oldham : « You make your own luck. Good luck is someone needing you. »