En solo ou avec d'autres, toutes les fois où Thom Yorke a trompé Radiohead

Alors que sa nouvelle formation, The Smile, vient de dévoiler un deuxième single (« The Smoke »), retour sur le parcours du maître de la mélancolie, marqué par des aventures en solitaire, des projets de groupe et un amour presque immodéré pour le monde des musiques électroniques.
  • L’âme solo

    Trois albums en solitaire, tous produits par Nigel Godrich, le maître des clés attitré de Radiohead. Le moins que l'on puisse dire, c'est que Thom Yorke aime conserver ses bases et avancer en famille. Le titre de son premier album (« The Eraser ») est en cela trompeur : il ne s'agit jamais vraiment pour lui de tout effacer, de faire table rase de ses expériences passées, mais bien de retravailler, encore et encore, sous d'autres formes, les mêmes obsessions. Avec, souvent, l'envie de se débarrasser des guitares, des structures mélodiques trop évidentes et, quelque part, du format pop. Ça n'a pas toujours été synonyme de réussite (« Tomorrow’s Modern Boxes » flirte souvent avec l'ennui), mais ça a le mérite de confirmer l'intégrité d'un artiste qui semble uniquement guidé par ses envies.

    La période Atoms For Peace

    En 2013, Thom Yorke s'associe à des musiciens amis (Nigel Godrich, forcément, mais aussi Joey Waronker, collaborateur de Beck et McCartney, et Flea des Red Hot) et assume ouvertement son attrait pour les musiques électroniques. En théorie, Atoms For Peace existe depuis la fin des années 2000. On sait même que la formation a pris forme lors de la tournée solo de « The Eraser », mais l'arrivée d'un premier et unique album (« Awok ») acte officiellement la naissance de ce que l'Anglais aime à considérer comme un « projet ». L'idée ? Croiser l'afrobeat à l'électronique, le rock et ses expériences de Djing, le synthétique et les arrangements plus organiques. Pour un résultat qui, contrairement à ce que laisse à penser le clip d'Ingenue, se révèle moins tourné vers la danse et la débauche que vers l'intime.

    L’attrait du 7ème art

    Difficile d'imaginer Thom Yorke comme un fan de glam-rock et de démesure, vestimentaire et musicale. C'est pourtant ce qui s'est passé en 1998 lorsqu'il forme Venus In Furs avec trois autres complices (Jonny Greenwood, Andy Mackay de Roxy Music et Bernard Butler de Suede) afin de reprendre les chansons de Roxy Music. C'était pour les besoins de Velvet Goldmine et, depuis, l'Anglais est retourné à plusieurs reprises vers le cinéma.

    Il y a eu Subterranea (2015), sorte de mélange entre field recording et ambient, Suspiria (2018), où Yorke met les doigts dans la musique de films d'horreur aux côtés du London Contemporary Orchestra and Choir, ou encore Motherless Brooklyn (2019), d'où est extrait Daily Battles, en duo avec Flea. Et dire que la liste aurait pu être encore plus longue s'il n'avait pas tourné le dos à Fight Club afin d'assurer au mieux la promo d' « OK Computer »... Même enregistrée en vitesse, nul doute que cette BO aurait été plus intéressante que toutes ces émissions qui utilisent No Surprises au moment de chercher l’émotion.

    Culture club

    Outre ses collaborations avec PJ Harvey et Björk, évidentes sur le fond quoique séduisantes sur la forme, Thom Yorke donne systématiquement l'impression de délaisser Radiohead pour mieux assouvir ses besoins de BPM élevés. Au moment de faire le bilan, on compte ainsi des collaborations avec Unkle, Modeselektor, Flying Lotus, Burial, Four Tet ou encore SBTRKT, tous issus des circuits électroniques. À chaque fois, on retrouve sa touche personnelle, ce chant plaintif, parfois noyé sous de multiples textures et des beats aptes à déboiter les hanches.

    Sachant cela, on aura bien du mal à nous faire croire que Thom Yorke n'est qu'un dépressif tout juste bon à faire couler les larmes d'étudiants en fac de lettres avec ses complaintes rongées par le spleen. Pour preuve, on tient également ses remixes de MF Doom et ses prestations comme DJ à Boiler Room. De là à en faire un ambianceur à la David Guetta ? Non... mais c'est sans doute mieux comme ça.

    Garder le sourire

    S'il a toujours confessé ne pas apprécier les derniers albums de John Coltrane, trop free à son goût, Thom Yorke reste un passionné de jazz. Évidemment, on ne pouvait pas s'en douter à l'écoute de You Will Never Work In Television Again, premier extrait de sa nouvelle formation, The Smile, très énergique, très rock. Reste que cette passion s'entend plus clairement sur The Smoke, enregistré qui plus est aux côtés du jazzman Theon Cross et du trompettiste Bryon Wallen, qui a récemment contribué à la BO de Spencer aux côtés de... Jonny Greenwood. Comme quoi, chez Thom Yorke, malgré les expérimentations et les infidélités, les potes de Radiohead ne sont jamais très loin.